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même un peu intimidés, par ce réseau de politesses réglées, d’usages compliqués, de nuances presque insaisissables et qu’ils ont devinées impératives. S’ils avaient reçu cette impression en visitant un pays étranger, ik l’eussent sans doute écartée, mais, l’emportant de la mère patrie, elle devenait à leurs yeux une utile leçon de choses, et les plus intelligens d’entre eux se sont proposé d’en faire leur profit.

Si l’effet de ces contacts avec une société aristocratique, élégante et raffinée, fut sensible sur l’esprit des hommes, combien le fut-il davantage sur celui des femmes qui avaient accompagné leurs maris ou leurs pères dans les salons de Windsor ou de Buckingham Palace. Et si, pendant son séjour à Londres, le ministre ou délégué colonial a eu l’honneur d’être nommé knight ou de recevoir la commanderie de Saint-Michel et Saint-George, distinctions qui confèrent le titre envié de sir et donnent ipso facto à son épouse celui plus envié encore de lady celle-ci, assurément, a dû considérer sous un jour nouveau ses obligations sociales. Mrs X*** ne se devait qu’à sa famille. Lady X*** se doit à son rang. Elle n’a pas manqué, sans doute, d’en faire la remarque à l’heureux compagnon de sa vie, afin qu’il se souvienne qu’il n’est pas seulement sir, mais aussi et surtout, le mari d’une lady. La nouvelle « dame » ne doute pas de ses aptitudes à se faire dans le first set une place distinguée. En quoi elle peut avoir raison, car les étonnemens ressentis au cours de son mémorable voyage dans le Old World se sont déjà transformés en observations fines et justes. Les femmes d’Australie, autant que celles de nos pays, possèdent en ces matières des facultés d’assimilation qui s’éveillent au premier appel de l’amour-propre.


III

Indépendamment des catégories de personnes déjà citées, il existe en Australie une élite scientifique et artistique dont l’influence pourrait être heureuse sur l’esprit, les goûts et les habitudes de la société. Mais cette sorte d’aristocratie intellectuelle est peu nombreuse. Elle se compose d’érudits, d’artistes et d’hommes de lettres, dont beaucoup sont distingués. Aucun, cependant n’a, par une belle découverte ou une œuvre de premier ordre, acquis une situation éminente.