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que soit une nation, il est bon qu’il y ait contact et même pénétration entre le personnel qui la gouverne et le milieu frivole, mais point négligeable, qu’on appelle « le monde. » Il le faut surtout lorsque ce milieu n’est pas encombré d’oisifs, et que la plupart des personnes ayant reçu une bonne culture intellectuelle en font partie.

Heureusement, depuis cette époque, diverses causes ont amené des relations plus suivies entre la société mondaine en Australie et le groupe des politiciens. En premier lieu, l’importance croissante de ceux-ci, résultat de l’extension des attributions de l’État. La carrière politique paraît avoir séduit un plus grand nombre d’esprits distingués et d’hommes capables de se produire ailleurs que dans les meetings populaires. Remarquons, en passant, que le développement du parti dit ouvrier, en réalité socialiste, dans les parlemens australiens, n’a pas retardé ce commencement de fusion. Les élus des trades halls et des labour councils font assez bonne figure auprès de leurs collègues des autres partis. Il en est plusieurs qui, sans rien abandonner de leurs programmes intransigeans, reconnaissent l’utilité de faire des concessions de pure forme, et, sans le connaître, observent le conseil donné jadis par le président Dupin : « Soyons citoyens, et appelons-nous messieurs. »

Cet heureux rapprochement entre deux classes qui devraient se confondre en une, est dû peut-être aussi aux voyages, tant officiels que privés, accomplis en Angleterre par les personnages politiques en vue de l’Australie, et souvent en compagnie de leurs familles. On sait avec quel empressement le gouvernement britannique saisit toute occasion d’appeler à lui ses chers coloniaux. Tantôt, c’est pour conférer avec eux de certaines affaires « impériales, » tantôt pour les faire participer à des fêtes. Le jubilé de la reine Victoria, l’approbation de la Constitution fédérale, le couronnement de S. M. Edouard VII, ont été occasions de ce genre. Les invités (ou délégués) sont reçus avec honneurs, et mieux encore, avec amabilité, présentés au souverain, aux princes, aux ministres de la Couronne, conviés à des suites de dîners, bals et réceptions. Quand ils reviennent de ces expéditions politiques et gastronomiques, ils ont beaucoup vu, entendu et retenu. Ils ont compris, — ou mieux compris, — la place que la société mondaine tient dans la nation et l’importance de la hiérarchie sociale. Ils se souviennent d’avoir été comme enveloppés,