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fondées les universités de Sydney et de Melbourne. Dans ces grandes villes, foyers de la civilisation nationale, il n’y a ni Académie, ni Institut, ni école des Beaux-Arts, ni École normale supérieure. L’enseignement des langues mortes est peu suivi. Celui des langues vivantes, limité au français et à l’allemand, y est tellement insuffisant qu’on peut dire sans exagérer qu’il n’existe guère que sur les programmes. Seule, la langue française, grâce aux persistans efforts de l’ « Alliance française, » tient une certaine place dans les études, notamment dans celles des jeunes filles. Mais on la considère comme un art d’agrément, une superfluité élégante ; et, au surplus, toute étude ne rentrant pas dans le cadre des nécessités professionnelles est à peu près dans le même cas.

Les Australiens, s’il en est qui lisent ces lignes, accepteront peut-être, de bonne grâce, les observations que je viens de résumer. Il serait imprudent de penser qu’ils accueilleraient avec la même bienveillance des remarques analogues touchant les qualités artistiques de leur nation. Si enveloppée de réserves que soit une opinion sincère émise à ce sujet, elle se heurtera à d’honorables mais excessives susceptibilités, car les expressions : l’art australien, la littérature, la poésie australiennes, sont d’usage courant dans le pays. Ingres avait la prétention d’être un violoniste de première force. Rossini, dit-on, tolérait une observation sur sa musique et n’en admettait point sur son talent à faire le macaroni. L’art est le « violon d’Ingres » des Australiens.

C’est que, s’intéressant médiocrement à la science, ils ont, au contraire, un penchant marqué pour les manifestations artistiques (ou supposées telles), surtout sous la forme du théâtre et de la musique. Les théâtres sont nombreux, dans les grandes villes d’Australie ; et quoique la population urbaine réside en majorité dans les faubourgs, les salles de spectacles sont presque toujours combles. Il y a relativement peu de Music halls. Dans les vrais théâtres, on donne rarement l’opéra, faute d’artistes suffisans, souvent l’opérette, et, à l’habitude, des comédies de mœurs ou de terribles mélodrames. La mise en scène est toujours soignée, ainsi que les costum.es. Toutes les œuvres représentées et les artistes en vedette viennent de Londres, et quelquefois des troupes complètes, accompagnées des décors et du matériel nécessaires.

La musique, sous toutes ses formes, tient une grande place