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Si l’art pictural australien doit se manifester un jour avec éclat, ce seront les paysagistes qui lui montreront le chemin. Jusqu’à présent, on n’aperçoit aucune trace de ce qui pourrait faire pressentir la formation d’une école.

Les peintres australiens, pour ne produire que des œuvres tout au plus estimables, ont une excuse : l’incompétence du milieu -où, ils travaillent. En écoutant les propos naïfs que le public échange devant leurs toiles, on éprouve de la commisération pour les natures héroïques qui persévèrent dans des conditions aussi ingrates et on s’explique le décourageaient des autres.

De la littérature et de la poésie australiennes, je ne peux rien dire, car j’ignore presque entièrement l’une et l’autre, malgré mon long séjour dans ce pays. Ce sont des personnes dont le bagage est léger et qu’on ne rencontre pas souvent sur sa route. Certains journaux en disent du bien. Mais l’anonymat étant de règle dans la presse britannique, ces articles ne sont pas signés. Cela est de peu d’importance, s’il ne s’agit que de politique ou de reportage. Il n’en va pas de même pour la critique, dont la valeur emprunte beaucoup à l’autorité de la signature. Aussi les comptes rendus littéraires des feuilles australiennes, en renseignant sur les intentions aimables d’un journaliste inconnu, ne suffisent pas à faire apprécier les mérites d’une œuvre et à inspirer le désir d’en prendre connaissance.

.le n’ai guère vu dans les bibliothèques privées que des ouvrages d’auteurs anglais. La littérature australienne m’a donc paru jouir dans son pays du genre de notoriété que nous accordons à certains écrivains disparus. Vauvenargues, Nicole, l’abbé Raynal, Patin, et bien d’autres, ont quelque renom en France, quoiqu’on ne les lise plus guère. Comme eux, mais entrés de leur vivant dans la postérité, les auteurs australiens sont célèbres, en Australie, où on ne les lit pas plus que nous ne lisons Vauvenargues. Peut-être les lira-t-on plus tard.

Ainsi l’élément artistique et littéraire, de même que la haute culture scientifique, ont peu d’action sur la société australienne, le personnel politique commence seulement à s’y introduire, l’aristocratie de naissance n’y existe pas, celle de l’argent n’est pas assez riche pour imposer ses fantaisies et ne l’a point tenté. Cette société, sans direction et sans traditions, cherche sa voie. En attendant, elle reste attachée aux routines importées de la