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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/123

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mère patrie, lesquelles ne sauraient toutes lui convenir, et, faute d’initiative, se meut dans un petit cercle d’amusemens toujours les mêmes. Le goût du mouvement, favorisé par le climat, la préserve un peu de l’ennui, mais non de la banalité.

Le tempérament australien est trop actif pour se satisfaire du ces distractions monotones. On voudrait faire mieux. Mais pour corriger un défaut, il faut d’abord le reconnaître ; et l’orgueil est là, l’inabordable orgueil des timides. Beaucoup de personnes, surtout des femmes, et, parmi celles-ci, les plus distinguées, déplorent l’illogisme et la tyrannie des habitudes imposées par la coutume. Elles écarteront cependant la discrète observation d’un étranger qui se permettrait d’exprimer ouvertement le même avis. Admettre que la stricte copie des usages britanniques n’est peut-être pas ce qu’il y a de meilleur partout au monde froisse en elles des sentimens intimes.

Sous ce rapport l’Australie est restée très britannique. C’est, en effet, une des particularités saillantes de l’esprit anglo-saxon, — comme de l’Islam, — de ne pas se modifier selon les exigences de milieux nouveaux. Transplanté sous un autre ciel, l’Anglais continue de suivre les mêmes habitudes. Il construira les mêmes maisons que construisirent ses aïeux sous les brumes de la Tamise et de l’Ecosse, s’y nourrira des mêmes viandes, consommera les mêmes boissons. En un mot, il ne changera rien à ce qu’il est accoutumé de faire. Il est persuadé qu’il existe seulement deux conceptions de la vie : l’anglaise, qui est bonne, et la non anglaise, qui ne l’est pas. Cette pétition de principe le conduit à une sorte d’insociabilité internationale contrastant singulièrement avec ses grandes qualités privées. On ne peut, en effet, contester que les Anglais soient, en général, cordiaux, hospitaliers, de relations sûres, amis fidèles et obligeans.

En ce qui concerne l’Australie, les beaux résultats obtenus pendant la période de premier établissement, par le décalque pur et simple des procédés britanniques, ne prouvent pas en faveur de leur excellence. La lutte contre des difficultés matérielles ne réclame qu’une énergie soutenue. Les pionniers de ce nouveau monde possédaient cette qualité, et les profits de l’exploitation d’un sol encore vierge les en ont bientôt récompensés. Mais l’organisation d’un peuple naissant, l’orientation qu’il doit prendre sa collaboration à l’œuvre générale de la civilisation, offrent des