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laisse dans un coin et tantôt on traite avec grande aménité, sans qu’une différence aussi marquée soit explicable. De là procèdent, je suppose, les critiques exprimées sur les manières des Australiens.

Mon impression est que leur attitude parfois un peu rude est rarement intentionnelle. Elle résulte souvent de l’ignorance de ce qu’il faudrait faire ou dire dans l’occasion ou même d’une timidité naturelle. Tandis que les marques de cordialité ou de déférence sont assurément voulues. Le gentleman australien est très sensible au reproche d’impolitesse, ce qui prouve qu’il tient à ne pas le mériter. J’ajouterai qu’on rencontre peu en Australie le type de grosse jovialité encore assez répandu en Angleterre, et moins encore la traditionnelle raideur britannique, qu’on prend souvent pour de la morgue quand elle n’est que de la réserve, et qui néanmoins glace les sympathies.

La cordialité australienne est simple et comme éclairée d’un rayon de bonne humeur. Dans le monde, l’Australien garde une tenue correcte et, à cet égard, les comparaisons qu’on pourrait faire tourneraient plutôt à son avantage. Si, dans sa prime jeunesse, il était aussi bruyant, encombrant, irrespectueux et sans gêne que le sont aujourd’hui ses jeunes enfans, il n’en a que plus de mérite. Peut-être ceux-ci deviendront-ils à leur tour de parfaits gentlemen. Un puissant effort de self-control y sera nécessaire.

La société australienne, ne pouvant satisfaire ses besoins d’activité dans les relations purement mondaines, s’occupe surtout de sports et d’associations. Le nombre de celles-ci, — sociétés, clubs, compagnies, ligues, comités, réunions, — formées indépendamment des affaires et pour les objets les plus variés, est hors de proportion avec le chiffre des habitans, aussi bien qu’avec l’importance de leurs moyens d’action. La tendance à créer des collectivités dans des buts honorables est excellente en soi, mais l’abus des choses excellentes n’est jamais excellent. Or, chaque ville d’Australie est une forêt de petites chapelles bienfaisantes, sportiques, philanthropiques, philosophiques, artistiques, éducatrices, moralisatrices. L’intrusivism, banni des rapports individuels, prend ici sa revanche. Dans chacun de ces groupes, on travaille à développer, chez les autres, ce qu’on croit bon ou à détruire ce qu’on y trouve mauvais.

Un humoriste australien, plaisantant cette manie de régenter