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intérieure, le choix des « œuvres d’art » prête à la critique et les recherches d’élégance peuvent ne pas avoir été heureuses. Mais l’intention de bien vivre, au double sens du mot, est évidente. Petit ou grand, le jardin sera en ordre parfait. Les revues (magazines], sur la table du salon, seront les dernières arrivées de Londres. De nombreuses photographies couvrent les étagères et encombrent les affreux mantel pieces qui coiffent si fâcheusement les cheminées anglaises ; toutes sont signées. Ce ne sont pas les portraits de nobles personnages ou de gens en vedette, ce sont ceux des enfans, des parens, des amis, seulement. La bibliothèque contient les œuvres des classiques anglais et des plus célèbres contemporains. Il y a des fleurs fraîches dans les vases et elles y sont gentiment disposées. Il y en aura aussi sur la table de famille, tous les jours et à tous les repas. Chaque détail est soigné. L’ensemble reste un peu froid, mais reposant. On devine que là se déroulent des existences d’une activité régulière, où le devoir de chaque jour est rempli dans une tranquille sérénité.

L’étranger qui chercherait dans ces demeures paisibles des esprits originaux et de spirituelles partenaires prêtes à commenter les scandales du jour, — il y en a aussi en Australie, — pourrait être déçu. Mais s’il fait appel à ses souvenirs de voyageur ou de Parisien, il se rappellera que le relief des caractères s’accuse parfois en angles un peu rudes et que les saillies de la conversation risquent d’amener plus de froissemens que d’étincelles. Il se laissera prendre alors au charme de la sécurité morale, que nous avons si rarement l’occasion d’éprouver dans nos capitales ; puis il s’apercevra qu’à cette sécurité se joint celle de l’esprit. C’est un grand repos que de se savoir entouré de gens qui ne parlent pas de ce qu’ils ignorent. Bien qu’il ne soit pas nécessaire d’aller au fond du bush australien pour le goûter, ce n’est pas ajouter une touche inutile à cette esquisse de la Société australienne que de dire qu’on l’y trouve.

Je n’oserais donner la même assurance à l’égard des grandes villes de ce pays. Sydney et Melbourne regorgent de gens qui « savent tout. » Il faut les excuser : cela fait partie des pénibles nécessités de la politique.

La physionomie avenante des intérieurs australiens fait implicitement l’éloge de la femme, puisque l’honneur de la bonne tenue de sa maison lui revient. L’honneur lui revient aussi de