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inviter à regarder, et les meilleurs postes d’observation — demandez-le plutôt à Saint-Simon — ne sont pas toujours ceux où l’oreille peut guetter, mais ceux, bien plutôt, d’où le regard peut fouiller. Grâce à M. de la Garde Chambonas, nous possédions enfin l’histoire anecdotique du Congrès de Vienne, et tout semblait dit, à l’avenir, sur cette auguste, prétentieuse et décevante assemblée, lorsque aux archives du Vatican certains cartons s’ouvrirent et permirent à un Jésuite, le Père Hilario Rinieri, de la mieux connaître encore et de nous la mieux faire connaître.

L’ouvrage entrepris par le P. Rinieri sur la diplomatie pontificale au XIXe siècle, ne comprend pas aujourd’hui moins de sept tomes en cinq volumes. D’inestimables « documens » y foisonnent ; le cardinal Mathieu dans son livre sur le Concordat, M. Louis Madelin dans sa Rome de Napoléon, furent à maintes reprises les tributaires du P. Rinieri. Les quatrième et cinquième volumes de la série sont consacrés à la publication de la correspondance entre les cardinaux Consalvi et Pacca durant les années 1814 et 1815, et à une étude d’ensemble sur le Congrès de Vienne et le Saint-Siège[1]. D’entendre le diplomate qu’était Consalvi nous raconter au jour le jour, par le menu, les jeux des autres diplomates, c’est une bonne fortune pour laquelle, déjà, le P. Rinieri mériterait d’être remercié. Mais Consalvi nous intéresse plus encore lorsque, dans ces pages, il se révèle lui-même, lorsqu’il parle en congressiste et non point seulement en spectateur, en joueur et non point seulement en témoin.

L’État pontifical s’était, au cours des siècles, formé morceau par morceau ; en 1814, il n’existait plus. C’est une rare jouissance de voir avec quel art tenace et soutenu la dialectique de Consalvi recommence et restaure l’œuvre des siècles, et comment derechef, morceau par morceau, il fait restituer au Pape l’intégralité de ses États. La joute entre Consalvi et Napoléon, à l’heure de la conclusion du Concordat, est familière à toutes les mémoires ; pour la première fois, dans les précieux volumes du P. Rinieri, nous assistons à la joute que le cardinal, douze ans plus tard, engagea contre l’Europe. L’histoire diplomatique et l’histoire religieuse peuvent également trouver leur profit dans

  1. Bella diplomazia pontificîa nel secolo XIX. Volume IV : Il congresio di Vienna e la Saiita Sede (1813-1815). Rome, Civittà Caltolica. — Volume V : Corrispondenza inedita dei cardinali Consalvi e Pucca nel tempo del Congresso di Vienna. Turin, Unione tipografico editrice.