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Mais un message nouveau, le 9 février, constatait avec joie la plénitude du succès ; dans le comité des Vingt, lord Castlereagh lui-même avait fini par adhérer à la formule proposée par Consalvi. La tradition qui concédait aux nonces une préséance survivait intacte aux délibérations du Congrès.


Je me réjouis grandement, écrivait Consalvi, que le Saint-Père n’ait pas eu à subir le douloureux mécontentement d’assister sous son pontificat à un pareil changement, et qu’au contraire, il ait eu la satisfaction de voir les préséances, sous son pontificat, fixées d’une manière aussi honorable par la réunion de l’Europe tout entière[1].


Consalvi pouvait être heureux, il avait obtenu beaucoup plus et beaucoup mieux qu’une satisfaction d’étiquette. Le Congrès assemblé pour donner au vieux monde une assiette nouvelle, — le Congrès qui, s’occupant même du Nouveau Monde, allait abroger, par la suppression de la Traite, l’ancien absolutisme du blanc sur le noir, — stipulait solennellement qu’à l’égard du Pape il n’y avait rien de nouveau. La Révolution par ses principes, l’Empire par ses armées, avaient amené des bouleversemens durables, dont les plénipotentiaires les plus conservateurs se bornaient à prendre acte ; mais la papauté spoliée par la Révolution, emprisonnée par l’Empire, reprenait, en fait, sa place d’élite, en tête de la foule des autres souverainetés. Cette préséance était un fait : l’Europe s’était refusée à envisager à nouveau la question de droit. Et l’Europe, peut-être, sans le savoir, avait ainsi servi la papauté. La préséance qu’on lui laissait n’était point issue du droit humain, toujours muable, mais d’une accoutumance historique apparemment immortelle, puisque la Révolution, ennemie de toutes les accoutumances, n’avait point prévalu contre celle-là. L’Europe n’était plus l’Europe, l’axe de l’équilibre s’était déplacé, les fondemens mêmes du pouvoir étaient changés ; mais, « quant au Pape, on ne ferait aucune innovation relativement à ses représentans. » Le droit international modifiait la situation sociale des rois, le droit civil, celle des sujets : seule, la situation prééminente du Pape dans le cercle de ses collègues en souveraineté continuait d’être consacrée par une intransigeante étiquette. Tous les rangs étaient troublés, sauf celui des nonces, comme si depuis 1789 la terre,

  1. Rinieri, V, p. 260.