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avait décidé de soumettre au comité des huit puissances la formule suivante : « Par égard aux principes religieux et aux puissances catholiques, les plénipotentiaires consentent à ce qu’il ne soit rien innové quant au Pape ; » et Metternich promettait à Consalvi d’opiner dans le même sens que Talleyrand. À la date du 21 décembre, le cardinal donnait bon espoir à Pacca, dans une allègre dépêche.

Mais l’allégresse fut brève. Au comité, l’Angleterre s’insurgea : elle voulait bien, par courtoisie, accorder aux nonces une préséance, mais elle se refusait à en admettre le principe. La Suède parla comme l’Angleterre. Le représentant du tsar et celui du roi de Prusse, qui n’avaient pas voulu, tout d’abord, avoir moins d’égards pour le Pape que l’ancien évêque d’Autun, retirèrent leur assentiment ; et le comité des Huit, finalement, supprima toute distinction, en fait de préséance, entre le Pape et le commun des rois. La décision, telle quelle, devait être transmise aux vingt ministres des huit puissances, réunis en session générale : ce n’était d’ailleurs qu’une simple formalité ; naturellement ils diraient Amen, et c’en serait fait de l’antique marque d’honneur dont jouissaient les représentans du Saint-Siège.

Cette « douleur imprévue, » — ce sont ses propres termes, — secoua fortement Consalvi, mais il ne s’en laissa pas opprimer. Des Huit, il résolut d’en appeler aux Vingt et d’invoquer l’attention de l’Europe en faveur des graves réserves que devait émettre le Saint-Siège. Il vit Humboldt, qu’il trouva conciliant ; La Tour du Pin, toujours dévoué ; lord Castlereagh, poli mais tenace. L’Angleterre comprenait d’autant moins la préoccupation de faire proclamer le droit des nonces, qu’elle admettait leur privilège comme un fait usuel. Une formule était à trouver, qui ménageât, tout à la fois, les prérogatives du Saint-Siège elles résistances anglaises. Consalvi, d’accord avec Humboldt, la proposa. Il s’agissait d’indiquer, dans un post-scriptum, que les articles votés par le comité des Huit au sujet des préséances ne déterminaient rien en ce qui regardait les représentans du Pape. Ainsi, implicitement et sans que le Congrès en fît formellement l’aveu, la prérogative historique des nonces serait maintenue, leur rang demeurerait ce qu’il était dans le passé, c’est-à-dire le premier. Consalvi, le 4 janvier 1815, prévint Pacca de la suprême combinaison qu’il tentait, et sa lettre marque assez peu de confiance dans l’issue de la querelle.