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étaient connues. Consalvi, en termes très voilés, faisait allusion à l’initiative à peine oubliée qu’avait prise Talleyrand d’envoyer à Fontainebleau, près du Pape captif, la marquise de Brignole pour ménager un accord entre Pie VII et un autre « usurpateur, » Napoléon.

Cependant, le pape Pie VII, n’ayant consenti ni à reconnaître Murat comme souverain, ni à le rayer du nombre des fils de l’Église, continua d’attendre la restitution des Marches, et Consalvi, à certaines heures, commença d’en désespérer.


V

Les Légations avaient été données à la France par le traité de Tolentino : elles rentraient dans la catégorie des pays conquis ; elles étaient sol français au moment où les armées autrichiennes, profitant de nos désastres, les avaient occupées ; et l’Europe, qui admettait que le Pape devait naturellement rentrer en possession des Marches, professait au contraire que c’était son affaire, à elle, de disposer des Légations. La question qui s’agitait entre Consalvi et les plénipotentiaires de Vienne pouvait se formuler ainsi : Oui ou non, Pie VI avait-il, à Tolentino, perdu les Légations ? — Oui, répondait l’Europe, le traité garde sa valeur, et les Légations, données à la France par l’acte de Tolentino, enlevées à la France par la récente guerre, ne sont qu’une sorte de res nullius, provisoirement déposée entre les mains de l’Autriche, et que l’Europe attribuera. — Non, ripostait le Saint-Siège, l’acte de Tolentino fut nul et demeure nul ; de droit, les Légations appartiennent au Pape ; de droit, elles doivent lui être rendues.

Dès le 20 mai 1814, Pie VII écrivait à l’empereur François Ier pour lui remontrer que ce traité, vicié dès le début parce qu’il avait été extorqué au Pape par la violence, avait en outre été abrogé par le fait même des nouveaux actes d’hostilité de la France napoléonienne contre le reste des États pontificaux[1]. Ainsi, à l’origine, la cession des Légations avait été nulle ; et si même on soutenait le contraire, la France, en se déclarant, dans la suite, l’ennemie du Pape, avait d’elle-même rompu le traité et annulé cette cession : telle était la thèse pontificale. Consalvi

  1. Van Duerm, op. cit., p. XXXIV-XXXVI.