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mes décisions. Ces événemens ont pour caractéristique qu’ils ne sont connus que de moi ; ils n’existent que si je les connais. Il me suffira de donner à cette conscience spontanée que j’ai de moi-même la rigueur de la réflexion pour constituer une expérience utile. Appelons psychologique la connaissance que j’ai, moi, de ces événemens qui me sont propres.

D’autre part, si j’ai la sensation de lumière, par exemple, c’est qu’un excitant mécanique : un mouvement vibratoire, a agi sur mon œil, c’est qu’une impression physiologique, dans mon organe sensoriel et dans mon cerveau, a suivi cette excitation. Supprimer ces antécédens objectifs serait supprimer ma sensation subjective. Mes états intérieurs ont des antécédens ou des conséquens dans mon organisme. Ils suivent ou précèdent des modifications de mon système nerveux. Ils viennent s’insérer dans une série matérielle, et leur liaison avec tous les termes de cette série est telle que leurs variations sont concomitantes des variations de ces termes. Pour les connaître, il faut donc connaître leurs conditions, leurs résultats. Appelons physiologique cette seconde connaissance, et nous donnerons le nom de psycho-physiologie à l’étude parallèle de ce qui se passe dans ma conscience, de ce qui se passe dans mon organisme. L’une sera le complément de l’autre.

Bien plus, l’étude physiologique sera le moyen, la méthode de l’étude psychologique. Car n’est-il pas plus facile d’observer exactement les contractions de mes muscles, les impressions de mes organes sensoriels, les variations de ma respiration et de ma circulation que mes pensées, mes perceptions et mes émotions, ce qui tombe sous les sens de tout le monde que les mouvemens d’une conscience, qui seule peut se saisir elle-même ? « L’âme, disait le métaphysicien Descartes, est plus aisée à connaître que le corps. » C’est le contraire pour le psycho-physiologue.


I

Ainsi, la perpétuelle tendance de la psychologie, durant un demi-siècle, à se rapprocher de la physiologie révèle seulement son effort pour devenir positive. Ayant aperçu la contrariété de ces deux mots : science et conscience, elle a supposé cette synonymie : psychologie scientifique, psychologie physiologique.

Est-ce là un rapprochement légitime ou illusoire ? La psychologie ne dispose-t-elle vraiment que de la physiologie pour devenir