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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/173

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scientifique ? c’est ce que nous découvrirons sans doute, en examinant successivement quelques-uns des résultats obtenus par les trois tentatives où s’est accusé le plus vivement ce besoin de précision expérimentale, — la psycho-physique, la physio-psychologie, la psycho-pathologie.


II

La psycho-physique prétend se modeler, ainsi que son nom l’indique, sur les sciences de la nature les plus exactes. Elle vise à expérimenter comme en physique. Substituer à l’étude intérieure du fait psychologique l’étude objective du fait physiologique, c’est bien, parce que les sens sont plus exacts que la conscience. Mais ce n’est pas assez. N’est-il pas possible de remplacer à leur tour les sens par des appareils, des instrumens enregistreurs ?

En d’autres termes, parmi les antécédens d’une sensation, il y a un fait physiologique, l’impression, c’est-à-dire tous les changemens survenus dans les organes, les nerfs et les centres sensoriels : on ne peut guère que l’observer. Et il y a un fait physique, l’excitation : c’est une force qui agit du dehors sur l’organe, une vibration lumineuse, par exemple, un mouvement. Or cette excitation est mesurable : mesurons-la… Nous ferons ainsi pénétrer dans la psychologie la précision même des mathématiques. Nous formulerons algébriquement, comme la loi de la chute des corps, celle qui régit les rapports de l’univers mécanique et de la conscience sensible. Ainsi deux bougies ne nous procurent pas une sensation de lumière qui, par sa vivacité, soit le double de l’éclairage fourni par une bougie. Un orchestre de cent violons ne fait pas cent fois plus de bruit qu’un violon : il s’en faut de beaucoup. De combien s’en faut-il ? La sensation et l’excitation ne croissent pas proportionnellement. L’œuvre de la science psycho-physique sera de donner à cette observation grossière une expression rigoureuse. Toute science n’est que mesure de la quantité.

Cette conception est d’origine surtout allemande, on le pense bien, et n’est pas toute neuve. C’est en 1860 que Fechner, le plus éminent des psycho-physiciens, a défini son dessein :

« J’entends, par psycho-physique, une théorie exacte des rapports entre l’âme et le corps, et, d’une manière générale, entre le monde physique et le monde psychique. »