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Ce n’est pas que Fechner prétende absorber toute la psychologie, ou même la psycho-physiologie, dans la psycho-physique : il est un large esprit. Il songe plutôt à fonder une sorte de science intermédiaire, celle des rapports de la sensation et de l’excitation, caractérisée par l’emploi de l’expérimentation véritable, de la mesure, et du calcul.

Les expériences auxquelles il s’est livré, lui et ses disciples, sont en nombre infini. Mais il est aisé de les ramener à deux types élémentaires, puisqu’elles ne peuvent porter que sur les sensations.

Nos organes sensoriels, en effet, ne recueillent pas toutes les excitations : les unes n’atteignent pas, les autres dépassent la limite de leur capacité. Un son trop léger n’est pas perçu non plus qu’une lumière trop pâle ; quel est donc le point précis où l’excitation devient perceptible, c’est-à-dire capable de produire dans la conscience la plus petite sensation, la sensation initiale ? Il y a un « seuil » que l’excitation doit franchir pour devenir une sensation : où est ce seuil de la conscience ?... Supposons un appareil qui puisse mesurer l’intensité de l’excitation, un autre appareil qui puisse fixer le moment de la sensation, on obtiendrait ainsi le minimum sensible. Or, on a construit ces appareils, déterminé ce minimum : pour la température, par exemple, celle de la peau étant 18°, 4, ce sera une augmentation de 1/8 de degré centigrade ; pour la lumière, l’éclairage d’un velours noir par une bougie située à 8 pieds 7 pouces ; pour le son, une boule de liège de 0gr,001 tombant de 0,001 sur une plaque de verre, l’oreille étant à 91 millimètres.

Mais, — et c’est là le second type d’expériences, — l’excitation varie : elle peut s’accroître. Si elle s’accroît d’une quantité trop petite, nous n’avons pas la sensation d’une différence. Si, par exemple, l’on exerce une pression de 1 gramme sur les doigts d’un sujet, il faut augmenter la pression d’un tiers de gramme, pour que cette augmentation soit perçue. Cette sensation de la plus petite différence possible constitue ce qu’on pourrait appeler, par rapport au minimum sensible du seuil de la conscience, un minimum différentiel, le minimum sensible relatif. La détermination de ce minimum différentiel est d’autant plus utile qu’il est constant : quelle que soit son intensité, il est nécessaire que l’excitation croisse toujours dans une même proportion par rapport à elle-même pour que cet accroissement soit perçu sous la