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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/185

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est impuissant à réveiller le passé ; la mémoire s’appauvrit avec l’anémie. C’est que la mémoire « consiste en un processus d’organisation à degrés variables compris entre deux limites extrêmes, l’état nouveau, l’enregistrement organique. »

Seulement la méthode est pathologique : c’est là sa nouveauté. Ces associations physiologiques, en effet, on ne prétend plus les saisir directement, ni surtout partir d’elles pour expliquer le fait psychologique du souvenir. On fait un détour, par la maladie. On recueille des faits saillans, privilégiés, qui sont les altérations de la mémoire, amnésies ou hypermnésies, pertes totales, partielles, progressives ; on observe aussi les guérisons, la marche de l’oubli, le retour des souvenirs. On compare et on interprète ; la conclusion s’impose d’elle-même, comme une simple généralisation :

« Dans le cas de dissolution générale de la mémoire, la perte des souvenirs suit une marche invariable : les faits récens, les idées en général, les sentimens, les actes. Dans le cas de dissolution partielle le mieux connu (l’oubli des signes), la perte des souvenirs suit une marche invariable : les noms propres, les noms communs, les adjectifs et les verbes, les interjections, les gestes. Dans les deux cas, la marche est identique. C’est une régression du plus nouveau au plus ancien, du complexe au simple, du volontaire à l’automatique, du moins organisé au mieux organisé.

« L’exactitude de cette loi de régression est vérifiée par les cas assez rares où la dissolution progressive de la mémoire est suivie d’une guérison ; les souvenirs reviennent dans l’ordre inverse de leur perte. »

Pareillement, notre personnalité repose uniquement sur une base physiologique : le sentiment du moi est le sentiment du corps ; l’unité psychologique exprime simplement l’unité organique, la coordination des actions nerveuses qui constituent la vie du corps. Aussi notre personnalité consciente est-elle bien étroite par rapport à notre personnalité véritable : elle n’en est qu’un extrait, une réduction.

« C’est l’organisme et le cerveau, sa représentation suprême, qui est la personnalité réelle, contenant en lui les restes de tout ce que nous avons été, et les possibilités de tout ce que nous serons. Le caractère individuel tout entier est inscrit là avec ses aptitudes actives et passives, ses sympathies et antipathies, son