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Il est donc probable que les modifications centrales provoquent pareillement des phénomènes de conscience : pourquoi les changemens profonds auraient-ils moins d’influence que les changemens superficiels ? Certains sentimens, tels que ceux de gêne, de fatigue, d’allégresse dans l’esprit, surtout les troubles mentaux, les angoisses hystériques, les insuffisances psychasthéniques, ne peuvent sans doute s’expliquer autrement : ils sont le retentissement psychologique de l’excitation ou de la dépression nerveuses qui est la loi la plus générale de la pathologie. Seulement, nous n’avons aucun moyen de vérifier la chose.

Dès lors on comprend que, dans une tentative psycho-physiologique, on n’ait pas résisté à la tentation de généraliser les faits les plus simples, en négligeant les plus compliqués, et de restreindre l’usage psychologique de la physiologie tout entière à la seule périphérie. Des théories comme celle de l’émotion et de l’effort n’ont point d’autre origine ni d’autre prestige. Elles oublient seulement que, s’il faut en effet tenir compte dans l’ensemble du phénomène des sensations coenesthésiques, il ne faut pas omettre non plus les troubles psychologiques que nous avons signalés et dont une véritable psycho-physiologie devrait rendre compte en nous disant ce qui se passe alors dans les centres. On prend la partie pour le tout, parce que le tout échappe.

Bien plus, par excès de préoccupations physiologiques, on a méconnu bien souvent les données mêmes de la physiologie. Je n’en citerai qu’un exemple emprunté au domaine de la psychologie affective où s’est porté tout l’effort que nous venons d’étudier : le sourire. M. Georges Dumas, grâce à des expériences de laboratoire confirmées par des observations cliniques, vient de mettre en lumière ce fait si simple qu’on s’étonne du temps qu’il a fallu pour le constater : « Le sourire, dit le physiologiste nouveau, est la réaction motrice la plus facile des muscles du visage pour toute excitation légère. » Puis, comme les excitations légères sont généralement agréables, le sourire est devenu par association physiologique le geste le plus spontané du plaisir, après quoi, il nous a suffi de nous imiter nous- mêmes pour en généraliser volontairement l’usage psychologique et la signification sociale. Dans toutes les études sur l’expression des émotions, depuis Darwin jusqu’à Wundt, on avait été chercher bien loin, dans les principes de la finalité transformiste,