Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Or les phénomènes périphériques sont accessibles, observables : ils nous sont assez connus. Nous les avons vus s’inscrire en graphiques sur les cylindres des laboratoires.

De la physiologie cérébrale, au contraire, que savons-nous ? L’élément nerveux lui-même échappe à l’histologie : est-ce l’ancien neurone, la cellule avec ses prolongemens divers ? Est-ce la cellule toute seule ? Ou quelque partie de la cellule ? Le seul fait certain, c’est que, anatomiquement, sur toute l’écorce du cerveau, nous ne saisissons aucune différence de structure entre les élémens et que, physiologiquement, à travers cet inextricable réseau de fibrilles et de prolongemens, chemine dans un sens défini un fluide inconnu. En dehors de là, nous ne formons que des hypothèses. Avons-nous même le droit de parler de « centres, » puisque, sur l’écorce cérébrale, il n’y a point de régions différenciées : une zone motrice est absolument indiscernable d’une zone sensitive. Et pourtant il faut bien qu’il y ait des localisations, puisque certaines lésions entraînent la disparition ou l’altération de certaines fonctions mentales, comme celles du langage par exemple, qui sont les mieux connues. Ces centres cérébraux seraient donc seulement, selon l’expression de Flechsig, des centres d’association. Il faut les. concevoir, non pas comme un salon, mais comme une société réunie dans un salon : des cellules nerveuses se sont organisées pour une besogne commune dont elles ont pris l’habitude. Elles auraient aussi bien pu s’organiser pour une autre : la preuve, c’est qu’on voit reparaître, après accident, des fonctions disparues. Pour un emploi nécessaire des élémens nouveaux peuvent apprendre à suppléer des élémens lésés… Il n’existe donc rien de plus dans le cerveau que des groupemens fonctionnels, des systèmes de relations. Mais comment s’opèrent ces groupemens ? En quoi consistent ces relations et associations ? Nous n’en avons aucune idée.

De plus, les phénomènes physiologiques de la périphérie sont évidemment les causes d’un grand nombre de phénomènes psychologiques : les uns, comme les impressions sensorielles, conditionnent des sensations définies, telles que celle de la lumière ou du sou. D’autres, — les contractions musculaires, les changemens organiques, le chimisme même des tissus, — suscitent des sensations plus vagues, mais non moins importantes pour la conscience, celles que l’on appelle en gros sensations coenesthésiques.