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cours, — c’est-à-dire de mon opinion personnelle, — sous cette seule considération, que celui qui le voulait ainsi était Père, et qu’il était Montaigne. » Elle ajoute : « Je le dis afin d’empêcher que ceux qui se rencontreront sur quelque phrase, ou quelque obscurité qui les arrête, pour s’amuser à draper l’impression, comme si elle avait en cela trahi l’auteur, ne perdent la quête du fruit qui ne peut manquer d’y être, puisqu’elle l’a plus qu’exactement suivi. » Et il est vrai qu’elle ajoute encore : « Dont je pourrais appeler à témoin une autre copie qui reste à sa maison ;… » et précisément, cette autre copie, c’est l’ « exemplaire de Bordeaux ; » mais la difficulté subsiste ; et quand les deux textes ne sont pas absolument conformes, lequel des deux faudra-t-il préférer ? C’est une question que je ne décide point, mais il ne me semble pas que M. Strowski, ni dans son Introduction, ni dans le trop court Appendice, où il la pose plutôt qu’il ne la traite, l’ait, lui non plus, décidée ; et je lui demande, dans son dernier volume, où l’occasion en sera toute naturelle, de vouloir bien l’examiner à fond. Nous expliquera-t-il aussi comment il se fait, — car ceci parait assez singulier, — qu’il y ait, aux marges de l’exemplaire de Bordeaux, quelques additions qu’on croit de l’écriture de Mlle de Gournay, continuées elles-mêmes, et surchargées de la main de Montaigne ?

Je n’attends pas non plus sans impatience, et les « notes » où il essaiera de déterminer les dates de composition de chaque Essai, et surtout celles où il explorera les « sources » des Essais. La tâche, en ce dernier point, lui sera facilitée par les nombreux commentateurs de Montaigne, au premier rang desquels on ne saurait oublier Coste, l’éditeur du xviiie siècle, qui rougissait, dit-on, de modestie, quand on parlait devant lui des Essais ; Victor Le Clerc, l’humaniste ; et, à côté d’eux, un jeune chartiste, M, Joseph de Zangroniz, qui vient de publier sous ce titre : Montaigne, Amyot et Saliat, une très intéressante « Étude sur les sources des Essais. » Saliat, Pierre Saliat, dont il est fait à peine mention dans nos histoires de la littérature, est le premier traducteur français d’Hérodote.

Ce que M. de Zangroniz a bien montré, — sans que toutefois son livre « nous ouvre un jour inattendu sur les Essais de Montaigne, » comme on l’a dit avec un peu d’emphase, — c’est ce que Montaigne devait à Plutarque, ou, pour mieux dire, à Jacques Amyot, traducteur de Plutarque, et nous le savions