Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont M. de Zangroniz essaie de défendre Montaigne contre le reproche d’égoïsme, si, comme on l’aura sans doute remarqué, nous n’avions voulu nous abstenir, dans cette étude sur les Essais, de tout jugement et de toute appréciation sur l’homme. Nous n’avons voulu parler que du livre, quel qu’en fût, pour ainsi dire, l’auteur ; et le personnage mériterait une étude à part, dont je ne puis même indiquer ici quelles seraient les conclusions, puisqu’on ce cas ce n’est ni du même point de vue qu’il faudrait envisager son livre, ni la même « méthode, » ou plus modestement les mêmes moyens, qu’on emploierait pour étudier le sujet.

Remercions donc tout simplement M. de Zangroniz de ce que son Étude sur les sources des « Essais » contient de précieux renseignemens, dont on peut dire dès à présent qu’ils passeront tous dans les commentaires qu’on fera désormais des Essais ; et souhaitons qu’à son tour, dans les « notes » qu’il nous promet, M. Strowski les complète. Il nous serait utile, en effet, d’en avoir d’aussi exacts sur « les sources italiennes, » par exemple, de Montaigne. Pareillement, ses emprunts à Marsile. Ficin, le traducteur de Platon, sont nombreux ; et, dans l’Apologie, M. Strowski a reconnu des pages entières de Cornélius Agrippa. Je serais encore étonné que l’auteur des Essais ne dût rien à Erasme. Mais il nous importerait surtout que l’on mît le texte des Essais en relation avec quelques-uns des textes français contemporains, tels que l’Apologie pour Hérodote, par exemple, d’Henri Estienne, ou la République de Jean Bodin. C’est une étude qu’on n’a pas encore faite. L’intérêt en serait de montrer comment on peut user diversement des mêmes textes ; car ce sont les mêmes textes, les mêmes anciens, le même ; Plutarque, le même Hérodote, que copient ou que paraphrasent Estienne et Montaigne, Montaigne et Bodin ; ce sont souvent les mêmes sujets qu’ils traitent, l’autorité de la coutume, ou l’influence des climats ; mais pourquoi cette antiquité n’est-elle dans la République de Bodin qu’une chose morte, et au contraire pourquoi vit-elle d’une vie qui nous est contemporaine, si je puis ainsi dire, dans les Essais de Montaigne ? Nous avons essayé d’en indiquer au moins quelques-unes des raisons, et nous espérons que dans le quatrième volume de l’ « Édition municipale » M. Strowski en complétera l’énumération.

Et quand tout cela sera fait, — demandera peut-être quelque sceptique ou quelque ironiste ; — quand on aura épuré, revisé et