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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/235

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Nous voudrions toutefois indiquer, en termes aussi précis que possible, avec respect mais avec liberté, quelles sont les difficultés avec lesquelles l’épiscopat français va se trouver aux prises. Le Saint-Père, dans sa première Encyclique, promettait de donner par la suite des instructions pratiques qu’on ne trouve que partiellement dans la seconde. Elle dit bien ce qu’il ne faut pas faire, mais non pas ce qu’il faut faire, et laisse à l’épiscopat le soin de se diriger lui-même dans la voie étroite où il se trouve engagé. La nouvelle Encyclique, en effet, renouvelle les condamnations déjà portées, non seulement contre la loi de séparation en général, mais spécialement contre les associations cultuelles qui en sont une des parties maîtresses. On ne conçoit même pas, au premier abord, comment la loi pourrait être appliquée dans quelques-unes de ses dispositions essentielles sans les associations qu’elle a prévues, ou d’autres qui s’en rapprocheraient : et disons en passant que les dispositions dont il s’agit ne sont pas parmi les moins favorables à l’Église. Mais nous n’avons pas à plaider ici la cause des associations cultuelles. L’Encyclique les a condamnées sans retour ; s’il s’en forme, elles seront schismatiques ; et la question est précisément de savoir ce qu’on peut faire en dehors d’elles pour assurer « l’exercice du culte. »

Cette question nous ramène à la réunion que les évéques de France ont tenue au palais archiépiscopal de Paris le 30 et le 31 mai dernier. Nous vivons dans un temps de publicité à outrance. Le secret de leurs délibérations ne pouvait pas être et n’a jamais été bien gardé : il est aujourd’hui complètement connu, ou peu s’en faut. À la fin de mai, le Saint-Père ne regardait pas comme insoluble le problème qui consiste à créer, même dans le système de la loi, des associations irréprochables aux yeux de l’Église, puisqu’il le posait aux évêques, et ceux-ci non plus ne le regardaient pas comme insoluble, puisqu’ils croyaient bien l’avoir résolu. Le vénérable archevêque de Paris, après avoir donné, dit-on, une double lecture d’une lettre du Pape, exhorta ses frères à répondre aux questions qui leur étaient posées, « uniquement au point de vue du bien supérieur des âmes et de l’intérêt de leur patrie. » On ne pouvait mieux dire, et, en effet, ce serait une redoutable épreuve pour les catholiques d’être mis en demeure de choisir entre leur reUgion et leur patrie. S’il était permis de le faire, ce serait seulement en cas de nécessité inéluctable, et après avoir tout essayé pour conciher ces intérêts sacrés. Le cardinal archevêque de Paris l’a compris. Hâtons-nous de dire que le Saint-Père l’a compris également lorsqu’il a eu soin de dire dans son Encyclique,