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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/309

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les formules dont la diplomatie russe avait usé avant la guerre de 1877, c’est sur les lèvres et sous la plume des représentans de la Grande-Bretagne qu’il les faut chercher. A la conférence des ambassadeurs à Constantinople, sir W. White va jusqu’à demander que l’on parle le moins possible du traité de Berlin : « il craindrait que l’expression : dans les limites du traité de Berlin, ne fût pas comprise ou plutôt qu’elle fût comprise dans un sens restrictif par les populations dont il s’agit d’améliorer le sort[1]. » Le représentant de la puissance qui avait signé le traité de San Stefano avait beau jeu pour rappeler, devant l’envoyé britannique, un passé encore récent, M. de Nélidow, avec le tact et la finesse d’un diplomate consommé, sut donner à son pays cette revanche académique.

La leçon des faits d’ailleurs portait plus loin que l’ironie des diplomates. Dès qu’il fut certain que les puissances ne s’entendraient pas pour rétablir le statu quo en Roumélie, la Serbie puis la Grèce s’agitèrent et réclamèrent des compensations : là ce fut la guerre ; ici il fallut appliquer « le blocus pacifique, » remède nouveau, inauguré sur les instances de l’Angleterre contre la Grèce en émoi. L’Europe eut toutes les peines du monde à apaiser encore une fois, tant bien que mal, les troubles des Balkans. Quant à la Bulgarie et à la Roumélie, malgré l’opposition tenace du Tsar, le Sultan, sous la pression des puissances occidentales, consentait à leur union sous le gouvernement du prince Alexandre. Cet avantage que l’Angleterre surtout et la France avaient contribué à faire obtenir aux Bulgares, c’est l’influence austro-allemande qui allait, en définitive, en profiter. Quand la colère du tsar Alexandre III eut forcé le prince de Battenberg à abdiquer le trône de Bulgarie, ce fut sous l’influence de l’Autriche et de l’Allemagne que la Sobranie élut, le 7 juillet 1887, le prince Ferdinand de Saxe-Cobourg-Gotha, officier dans l’armée austro-hongroise. Le chef du parti anti-russe, Stambouloff, allait, jusqu’en 1895, gouverner la Bulgarie. Aussi verra-t-on, — tant est profonde la répercussion des questions orientales sur toute la politique générale, — tandis que la Triplice accroît de plus en plus son influence à Constantinople et dans tout l’Empire ottoman, le tsar Alexandre III conclure alliance avec la République française et diriger l’activité russe du côté de la Perse et du Pacifique.

  1. Protocole du 28 novembre. — Livre Jaune, p. 273.