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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/371

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UN PEINTRE MÉLOMANE

FANTIN-LATOUR ET LA MUSIQUE
D’APRÈS DES LETTRES INÉDITES


I

Qu’un peintre goûte infiniment la musique et s’y délecte, qu’il s’y exerce même et qu’il en exécute à ses momens de loisir, il n’y a rien là que de naturel et tout aussitôt nous revient en mémoire le souvenir d’Ingres qui n’était pas médiocrement fier de son agréable talent sur le violon ; mais qu’un peintre aime la musique au point d’y trouver un puissant réconfort dans ses jours de fatigue ou de doute, qu’il soit épris de l’art des sons jusqu’à chercher dans les chefs-d’œuvre des maîtres les sujets de la plupart de ses dessins ou toiles d’imagination, lui, le peintre de la réalité et de la vie, de la vie chez les hommes et chez les fleurs, voilà ce qui est tout à fait exceptionnel, peut-être unique, et ce qui est à considérer, pour nous, chez l’artiste dont les maîtresses œuvres, réunies par les soins de M. Léonce Bénédite, attiraient récemment la foule à l’École des Beaux-Arts.

Par combien de compositions idéales, peintures, pastels ou lithographies, Fantin-Latour n’a-t-il pas témoigné de la profonde admiration que lui inspiraient les plus hautes créations de l’art musical, de la sensibilité si avisée, de l’instinct si sûr qui le poussèrent dès le premier jour vers les maîtres discutés, méconnus, injuriés, mais à qui un avenir plus ou moins rapproché réservait une réparation triomphale ! Certes ses œuvres peintes ou gravées parlent avec éloquence et suffiraient à dire à ceux