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donnerait et le Théâtre-Italien, qui annonce Fidelio, de Beethoven, et le Paradis et la Péri, de Schumann, une sorte de symphonie-oratorio. C’est un chef-d’œuvre : je l’ai entendu au piano ; cela me paraît si beau que j’ai hâte de l’entendre à l’orchestre...


Ces concerts de l’Opéra étaient ceux que Litolff rêvait d’organiser, qu’il organisa en effet et qui ne dépassèrent pas deux soirées, au lieu des quatorze annoncées, mais qui eurent ce résultat inespéré de provoquer un revirement du public en faveur de Berlioz, mort seulement depuis huit ou neuf mois, tant le délicieux menuet des Follets, l’exquise danse des Sylphes et la foudroyante Marche hongroise émurent et bouleversèrent les auditeurs aux deux concerts, car il avait fallu répéter les deux fois ces morceaux, la veille encore inconnus, de la Damnation de Faust. Quant aux promesses faites par le directeur de l’Opéra-Italien, elles furent également tenues, sans beaucoup plus de succès, — du moins en ce qui concernait Schumann, — et Fantin de courir à la salle Ventadour. Il fut donc, avec son ami Maître, avec d’autres qu’il allait bientôt connaître, un des plus fidèles auditeurs de ces représentations de Fidelio, de ces exécutions de le Paradis et la Péri, où brillait la grande tragédienne lyrique Gabrielle Krauss (car l’opéra de Beethoven et le poème dramatique de Schumann avaient été montés exprès pour elle), et qui ouvrirent des horizons splendides à ceux qui eurent alors la révélation de ces chefs-d’œuvre. Le jeune peintre en fut comme ébloui et des souvenirs de ces soirées inoubliables revenaient souvent, par la suite, dans les conversations qu’il avait avec ses amis, lui faisaient même prendre le crayon et dessiner ses deux premières lithographies à la gloire de Schumann... Quelques années plus tard allait éclater le coup de tonnerre de Bayreuth, qui devait retentir dans tout le monde musical.


III

Un jour du mois d’août 1876, comme Fantin se trouvait chez son ami Maître, où il venait passer toutes ses soirées et fumer, tout en écoutant celui-ci faire de la musique avec quelqu’un que je ne vous nommerai pas, tout à coup, un autre ami de la maison, magistrat de race et mélomane passionné qui marchait dès lors en tête des partisans de Wagner, fit irruption dans la chambre et mit à la disposition de qui voudrait en profiter une place