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de puissantes machines ; les maisons n’occupent plus quelques dizaines d’ouvriers, mais plusieurs centaines ; le maître d’entreprise est un ingénieur, qui manie le fer, l’acier, le cuivre ou le bois. Le caractère industriel de l’arrondissement peut être précisé par cette remarque qu’à Paris il existe 25 usines qui produisent la force motrice pour la vendre ; 18 d’entre elles donnent la vie à tous ces ateliers dont quelques-uns ont une réputation universelle.

L’aspect général n’est pas séduisant. Si l’on regarde une carte, on est surpris du dédale de rues, de passages, d’impasses,. de cités, de cours qui encombrent l’arrondissement tout entier. Il n’y a pas lieu, à ce point de vue, de distinguer entre les quartiers. Tous fourmillent d’ouvriers. L’industrie du bois est surtout en honneur dans le quartier Sainte-Marguerite ; la métallurgie occupe le reste du territoire, un peu dissimulée par les maisons d’habitation qui bordent les avenues Philippe-Auguste, de la République et les boulevards Voltaire et Richard-Lenoir.

La population y est plus considérable que dans les autres arrondissemens de Paris, sauf le dix-huitième ; mais ce n’est pas là qu’elle est la plus pauvre. C’est que les ressources sont nombreuses ; les salaires sont généralement élevés, dans ces industries qui réclament des connaissances professionnelles très sérieuses. Il n’est pas rare, parmi les constructeurs de machines ou les faiseurs de meubles, de rencontrer des ouvriers qui gagnent 10 francs par jour, et parfois davantage. Les femmes, comme les hommes, trouvent facilement à s’employer dans des professions qui rapportent ; les décolteuses, brunisseuses, riveuses ont un salaire moyen de 3 francs, et les monteuses de couronnes 6 francs quelquefois. Il peut donc arriver, et il arrive en effet, que certains ménages ouvriers vivent dans l’aisance. Malheureusement, c’est l’exception. Il faut compter avec les charges de famille, avec le chômage, et aussi avec l’imprévoyance habituelle de la classe ouvrière. De plus, à côté de métiers qui payent bien, il en est d’autres qui assurent à peine la subsistance.

Dans le quartier de la Roquette, aux environs de la Bastille, nous retrouvons les juifs polonais faiseurs de casquettes. Ils vivent confondus avec les chiffonniers du fer. Il s’agit là d’un groupement si important qu’il s’est créé pour lui un marché spécial où l’on trouve tous les produits alimentaires d’Auvergne, surtout des pâtes, des fromages et de la charcuterie. Le ferrailleur