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est vendeur et acheteur de tout objet de fer ayant servi ; on trouve chez lui des clous ou des machines, et ses affaires peuvent à ce point se développer qu’on en voit parfois acheter au poids des wagons entiers qu’ils revendent ensuite au détail. A l’autre extrémité du quartier, dans les terrains qui longent l’avenue Philippe-Auguste, se trouve un refuge de forains. Il y là toujours au moins soixante roulottes qui abritent des familles remarquables par le nombre des enfans. Le ménage peut parfois en compter une dizaine qui vivent littéralement les uns sur les autres. A côté des forains qui sont une exception, se trouvent en grand nombre des porteurs aux Halles et des marchands des quatre saisons. Les Halles sont assez loin pour être hors de portée de la population qui réside ; il y a place, pour les loueurs de petites voitures, à un certain profit. Les loyers, sans être encore d’un prix très abordable, sont cependant beaucoup moins chers que dans le troisième. On trouve une chambre pour 100 à 200 francs et l’hôtel coûte généralement de 2 fr. 50 à 3 francs par semaine. Ces prix conviennent non seulement à l’ouvrier qui fabrique en chambre les objets de bois que l’on vend le samedi, « à la Trôle, » mais encore à un très grand nombre de journaliers qui constituent une bonne part de ceux qui demandent.

Les foyers indigens sont nombreux. Les plus remarquables s’appellent, dans la Roquette, la cité Lesage avec 200 à 300 vieilles femmes, dont la plupart sont marchandes des quatre saisons, l’impasse Delaunay et la cité Industrielle, qui à elles deux comptent bien 150 indigens, les rues Popincourt, de Montreuil et du faubourg du Temple qui sont très malheureuses. Dans le quartier Saint-Ambroise, l’impasse Trouillot compte autant d’inscrits que la cité Industrielle. Pour le reste, la population nécessiteuse est assez uniformément répartie.

En somme, cet arrondissement mérite de fixer l’attention, à cause de sa très grosse population ouvrière, des qualités professionnelles qu’il y a lieu de lui reconnaître, et aussi de ces salaires élevés qui rendraient l’épargne possible, si les cabarets étaient plus rares et la vie moins onéreuse.


Il nous a semblé que, pour avoir une impression précise du dixième arrondissement, il était sage de connaître d’abord ses voisins dont il n’est guère que le prolongement. D’un côté du canal, dans Le quartier de l’hôpital Saint-Louis, on se croirait