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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/405

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se tient le marché aux ferrailles, qui est la source d’une grande animation. Marchands et amateurs s’y rendent de bien des points de la ville et de la banlieue, notamment des onzième et douzième arrondissemens, aussi du cinquième, en sorte qu’on trouve réunis en ce lieu, les Auvergnats, les juifs polonais, les cordonniers, les ouvriers terrassiers et raffineurs, les chiffonniers et journaliers dont nous avons eu occasion de noter les groupemens. Naturellement, tout ce monde est pauvre. Ceux qui ne sont pas dans le besoin, sont des employés attirés par le bas prix des loyers et qui n’ont pas craint de s’établir très loin de leur travail. Tous les autres demandent des secours. Mais il convient de remarquer qu’on peut, avec de faibles sommes, assurer la nourriture et le logement, ce qui serait impossible en d’autres lieux de Paris.

Croulebarbe est de beaucoup le plus petit des quartiers du treizième ; il est aussi le moins peuplé et le moins pauvre. La vallée de la Bièvre le coupe en deux, et sur les rives de la rivière, qui sera couverte un jour, on voit se succéder de nombreuses mégisseries, en amont et en aval de la célèbre manufacture des Gobelins. On a dit tout le bien possible de l’eau de la Bièvre ; aujourd’hui, tout le monde est d’accord pour reconnaître qu’elle sent mauvais ; les industriels s’en vont, et l’ingénieur sait déjà ce qu’il va faire pour transformer en un égout le riant ruisseau d’autrefois. Pour le moment, il y a là une industrie qui fait vivre des ouvriers de bons métiers. En même temps, la propreté régulière des grandes constructions telles que couvens, casernes, hôpitaux, maisons d’instruction, contribue à donner cette impression que l’aisance peut ici parfois se rencontrer. Enfin, les belles avenues Arago, de Port-Royal, des Gobelins et le boulevard d’Italie assurent à cette région bon air et beau soleil. Il semble donc que la misère s’écarte. Elle n’est pas éloignée, pourtant ; car il existe des foyers indigens rue Croulebarbe, rue de la Glacière, et, dès nos premiers pas dans le quartier de la Maison-Blanche, nous la retrouvons avec ses vilains traits.

Deux foyers considérables se distinguent tout de suite : à la Butte-aux-Cailles et rue de la Santé, en bordure du quatorzième arrondissement, aux environs du passage et de l’impasse Prévost. Toute cette région est habitée par des chiffonniers. Ici, les femmes sont ravaudeuses, et c’est dans le vingtième qu’elles vont vendre leur travail. La Bièvre se montre encore un peu ; par suite, on trouve encore quelques ouvriers du cuir, mais,