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très forte. Dans cet espace qui est grand comme le quart de Clignancourt, bien des points sollicitent l’attention. Ce sont les hôtels de la rue de la Charbonnière, des rues Caplat et des Islettes, qui sont autant de refuges de déclassés, épaves des gares d’arrivée du Nord et de l’Est, suspects au premier chef et surveillés de près par une police toujours inquiète. Ce sont les brocanteurs de la rue Myrrha, épars au milieu des petits boutiquiers dont les étalages se pressent au hasard. C’est au passage Doudeauville une agglomération de journaliers dont les ressources doivent être bien incertaines, puisqu’il y a clientèle pour une boucherie hippophagique. Et pour l’ensemble du quartier, c’est une population d’employés et d’ouvriers de chemins de fer, d’écrivains à la tâche qui font des bandes chez Dufayel, de garçons de courses et de recouvrement, de livreurs, hommes de peine, tous gens de petits emplois. La Goutte-d’Or est très chargée d’indigens et de nécessiteux ; ils sont partout : passage Doudeauville, rue de la Goutte-d’Or, rue Ernestine, rue Jean-Robert, rue de la Charbonnière, rue de Chartres.

La Chapelle est un ancien village. Les rues du Curé, de l’Evangile, de la Chapelle, des Roses, portent bien les noms que l’on retrouve dans les communes rurales. Le quartier est enfermé entre les immenses dépendances des lignes du Nord et de l’Est. Il n’est pas isolé ; car de très belles voies assurent les communications avec les boulevards. Sur ce terrain sans accident, les entrepreneurs de camionnage ont pu loger leur matériel ; ils ont pour cliens tout le commerce parisien, et notamment les grands magasins de nouveautés. Tous ceux qui font le commerce du charbon semblent s’être donné rendez-vous aux abords de la gare du Nord, ainsi que les loueurs de petites voitures dont quelques-uns déjà s’étaient établis dans la Goutte-d’Or. Tout ce monde demande peu. Le seul foyer d’indigence est à l’impasse Peney où se trouvent réunis quelques centaines de journaliers, marchands ambulans et colporteurs. Partout ailleurs, les malheureux sont assez uniformément répartis ; ils sont un peu plus nombreux rue Philippe-de-Girard où logent quelques ouvriers de la raffinerie Lebaudy, impasse Dupuy, impasse Molin, rues de Torcy et des Roses.


Le dix-neuvième arrondissement est à la fois le hangar aux matériaux et le garde-manger de Paris. Nous ne sommes pas sur