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autres produits qui croissent rapidement, peut être obtenue en juillet dans les parties basses, susceptibles d’être arrosées au moyen de l’eau des puits ou au contraire sur les terrains élevés que la crue atteint plus tardivement. Mais la règle, imposée par le système de « l’inondation, » est une seule récolte annuelle de ces produits qui croissent dans les parties froides de l’Europe aussi bien qu’en Égypte et servent essentiellement à la consommation locale.

Devenu le maître omnipotent de l’Égypte, Méhémet Ali, qui, pour des raisons historiques trop longues à exposer, considérait ce pays comme sa propriété, vit dans le développement des cultures industrielles : canne à sucre, coton, etc., le moyen de se constituer un trésor inépuisable et, par là, d’entretenir une armée et une flotte invincibles. Pendant que, sous ses ordres, des ingénieurs anglais et surtout français installaient un peu partout des sucreries, des filatures, des tissages, des fabriques de drap et d’autres marchandises dont il se réservait jalousement le monopole, ses intendans encourageaient et au besoin contraignaient les fellahs à semer ou à planter les produits destinés à alimenter ses usines de matières premières. Il serait inexact de prétendre, comme on le fait souvent, que le pacha introduisit en Égypte ces cultures riches et épuisantes. Elles s’y trouvaient déjà lors de l’expédition française, mais seulement à l’état d’exception, là où le voisinage immédiat du Nil ou du canal permettait d’arroser toute l’année, et le mémoire de Girard sur l’agriculture et l’industrie de l’Égypte[1] estime qu’elles y occupaient à peine la douzième partie des meilleures terres. Méhémet Ali se borna à les développer, à les généraliser, à perfectionner les procédés à l’aide desquels elles étaient obtenues, enfin à améliorer leur rendement, en substituant la canne des Antilles à la canne indigène et en faisant semer partout les graines d’un cotonnier découvert en 1821 dans un jardin du Caire par le Français Jumel.

Dans cette intention, il dut transformer le système d’irrigation traditionnel. Avec ce système, nous l’avons vu, le sol ne pouvait normalement être cultivé qu’en automne et la récolte devait être terminée au printemps. Or le coton, planté en avril, ne se cueille qu’en septembre, et la canne à sucre ne peut être coupée qu’au début de l’hiver. Pour tirer un excellent parti de

  1. Description de l’Égypte, t. XVII.