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ne doivent aucune contribution. Rendre productif un champ grâce à l’eau du Nil, c’est donc augmenter immédiatement le produit de l’impôt foncier[1]. Les sommes consacrées aux irrigations par le ministère des Travaux publics constituent ainsi un placement, non seulement très productif, mais dont la rémunération ne se fait pas attendre. C’est ainsi que la crue de 1877, la plus basse depuis le commencement du siècle, laissa plus de 400 000 hectares improductifs et fit perdre au Trésor plus de 1 100 000 livres. Au moins aussi mauvaise, celle de 1899 laissa seulement 110 000 hectares sans eau et 37 000 pourvus d’un arrosage insuffisant[2].

Dès que le supplément de ressources obtenu par leurs efforts parut non seulement durable, mais susceptible d’un accroissement continu, les ingénieurs anglo-égyptiens songèrent à en consacrer une partie à des travaux qui seraient leur œuvre propre, en vue d’étendre la sphère d’application de l’irrigation pérenne et de parer à l’insuffisance des crues.

De grands desseins avaient été formés déjà anciennement. La conquête du Soudan en inspira d’autres, encore plus vastes, que, sagement, on ajourna pour des temps meilleurs. On se borna à la réalisation d’un projet dont le plan était, depuis longtemps déjà, à l’étude : le barrage réservoir d’Assouan. Les deux besoins qu’on se proposait ainsi de satisfaire étaient les suivans : parer à l’insuffisance des crues trop faibles qui ne permettent pas d’amener l’eau jusqu’à certaines terres, étendre à la Haute-Egypte le système de l’irrigation pérenne dont bénéficie depuis longtemps déjà le Delta. Nous avons vu par quel procédé Mougel-bey rendit possible la transformation de l’agriculture de cette région : élever le niveau du fleuve en barrant son cours et atteindre ainsi, au moyen des canaux, les terres les plus hautes lorsque le Nil est à l’étiage, c’est-à-dire au moment où il est nécessaire d’arroser le coton. Cette conception grandiose a résolu, une fois pour toutes, le problème des irrigations. Reprise ces derniers temps, réalisée de nouveau en 1892, avec un succès remarquable, elle va probablement, dans un délai plus ou moins

  1. Ajoutons que, depuis le décret du 10 mai 1899, art. VI, les terres de Haute-Egypte jusqu’à présent irriguées par bassins payent, dès qu’elles bénéficient de l’irrigation pérenne, une surtaxe de 30 ou de Su piastres par feddan (la piastre vaut 0,2592 et le feddan mesure 4 200 m. q.).
  2. Barois, loc. cit., p. 55.