Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/439

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

règles nettement précisées, les conditions d’établissement et d’emploi des pompes et machines élévatoires possédées par des particuliers, etc.

Nonobstant ces dispositions édictées pour protéger l’individu contre le bon plaisir de l’administration, celle-ci a gardé un pouvoir discrétionnaire très considérable qu’elle exerce suivant les besoins du moment et les exigences de l’intérêt général. Ce pouvoir va jusqu’à interdire aux propriétaires, lorsque la crue est trop faible, d’irriguer certaines terres au moyen de machines élévatoires ou de semer le maïs et le riz avant une certaine époque, afin de ne rien distraire de l’eau nécessaire au coton, culture vitale grâce à laquelle l’Egypte paye les intérêts de sa dette publique et balance ses importations ; il se manifeste encore par la mesure prise chaque année depuis 1886 et connue sous le nom de rotations. Dans le système de l’irrigation pérenne, l’eau n’est pas strictement mesurée à chaque champ, mais amenée à proximité, de façon que les riverains puissent la dériver par une rigole et l’élever par des machines. Une telle liberté, exercée lorsque l’eau disponible est insuffisante en permettrait l’accaparement par les propriétaires placés à l’ouverture du canal : aussi les ingénieurs chargés de l’irrigation divisent le canal en sections et permettent ou interdisent alternativement, par des arrêtés fréquemment renouvelés, l’usage de chacune d’elles durant une période de tant de jours (généralement une semaine d’arrosage contre deux de chômage), sans préjudice de courts chômages imposés à tous les riverains du canal.


V

Sur les splendides résultats financiers de l’occupation anglaise, il ne saurait y avoir de discussion. Tout le monde sait que le principal agent de cette régénération fiscale est le service des irrigations. Peut-être ne se rend-on généralement pas un compte très exact de la manière dont ce service alimente le trésor khédivial. L’impôt foncier de la propriété non bâtie représente en effet le 40 pour 100 des revenus fiscaux[1]. Or, sont sujettes à l’impôt les seules terres qui ont bénéficié de l’irrigation dans le cours de l’année. Les autres terres, dites charaki,

  1. Exactement 4 743 330 livres égyptiennes (y compris la dîme des dattiers), sur un total de recettes de 12 255 000 dans l’état des prévisions de 1905.