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Donnant sans cesse, ne recevant jamais rien, par quel miracle le sol ne se ruinerait-il pas ?

L’épuisement par surmenage n’est pas le seul agent de stérilité dont l’Egypte, soit menacée. Les effets de la saturation de ses terres par le sel sont tout aussi redoutables. « L’eau de la crue, continue M. Brunhes, est distribuée sur une beaucoup plus grande étendue grâce à tout un réseau de canaux, grâce aussi à des travaux d’art anciens et nouveaux qui mettent en réserve une partie du flot annuel ; il en résulte qu’on a étendu démesurément la zone que peut arroser, avec un réel profit pour la terre, l’eau du fleuve... Cette eau ne doit pas servir seulement... à arroser les terres en vue de la culture, mais encore à les arroser en vue du dessalage, ce qui exige une proportion d’eau beaucoup plus grande par unité de surface[1]. » Les terres ne se dessalent donc pas suffisamment, faute de l’eau nécessaire et, peu à peu, elles se stérilisent.

Ces observations contiennent une certaine part de vérité : il est vrai que les ingénieurs, choisis dans les Indes, après l’occupation britannique par le gouvernement khédivial, pour reprendre et perfectionner l’œuvre des irrigations, ne tinrent pas, au début, un compte suffisant des différences qui séparent l’Egypte du pays où ils avaient acquis leur expérience : faible pente des rives du Nil, défaut presque complet de pluie dans cette région. Aussi, durant quelque temps, les erreurs anciennes se maintinrent ; les drains déjà existans furent quelque peu négligés, et les drains dont le besoin se faisait sentir furent établis trop parcimonieusement. Il est encore vrai que bien des fellahs, déconcertés par le nouvel état de choses, ont fatigué leurs terres par des cultures épuisantes trop rapprochées. Mais, depuis lors, ces erreurs, dont il faut se garder d’exagérer la portée, ont été réparées. Si, jusqu’en 1885, le service des irrigations ne s’occupa pour ainsi dire pas de drainage, il a creusé depuis cette époque jusqu’en 1901, 4 500 kilomètres de drains, améliorant ainsi les terres cultivées, gagnant dans le Delta près de 250 000 hectares improductifs. En outre, le dessalage des terres a fait d’énormes progrès ces dernières années.

Les terres reçoivent actuellement beaucoup moins de limon qu’autrefois, le fait est exact. Avant d’en tirer un raisonnement,

  1. Loc. cit., p. 361.