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on agirait sagement en recherchant quelle est au juste l’action de ce limon, ce qu’il est difficile de dire. Un petit livre substantiel de M. Ch. Pensa le décrit comme éminemment argileux, riche en oxyde de fer et pauvre en phosphate. Le même auteur observe que le Rhône et le Danube transportent deux fois, et le Mississipi six fois plus de limon que le Nil et il en conclut que ce n’est pas tant la quantité que la qualité du limon nilotique qui donne à l’Egypte sa fécondité. M. Barois, au contraire, refuse presque toute action fécondante au limon. D’après lui, l’eau, entrée dans les crevasses qui séparent les mottes, « exerce par elle-même, indépendamment des matières qu’elle tient en suspension, une action spéciale fertilisante » et « en décomposant l’air très divisé qu’elle emprisonne dans ces minces fissures, elle rend de nouvelles forces à la terre épuisée par les moissons précédentes[1]. »

Sans prendre parti dans ce débat technique, on peut dire que le sol a partout la profondeur suffisante pour permettre la culture intensive actuellement pratiquée sur la plus grande partie du territoire égyptien, pourvu toutefois qu’un bon assolement soit bien établi. Il faut déplorer sans doute que l’emploi des engrais, condition ailleurs nécessaire, ici tout au moins utile, de la culture intensive, reste si exceptionnel. Néanmoins une expérience acquise dans le Delta par près d’un siècle de culture cotonnière, semble bien démontrer que, même en l’absence de ce succédané du limon, l’organisation actuelle est, somme toute, satisfaisante.


VIII

Ce n’est pas à dire que le régime actuel des irrigations et des cultures de l’Egypte soit la perfection, ni que ce pays ne puisse plus en accroître le rendement. Bien des améliorations y pourraient être introduites par l’administration dont le zèle ne saurait être trop loué, mais dont les ressources sont limitées, et surtout par les particuliers. Avec le système de l’irrigation pérenne, quand les agens du ministère des Travaux publics ont rempli leur tâche, qui consiste à conduire l’eau à proximité des terres, les propriétaires de celles-ci ont encore tout à faire, car ce procédé,

  1. Loc. cit., p. 74.