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superficie que le calibre de la pompe est mesuré. Vient-elle à diminuer, ce calibre doit être réduit proportionnellement. Un tel système offre l’inconvénient de favoriser la grande propriété, et cela d’autant plus qu’il se combine avec celui des rotations dont il a été parlé plus haut. L’autorisation d’établir une pompe est rarement accordée aux petits propriétaires. D’autre part, un grand domaine qui confine à plusieurs canaux publics, est assuré de ne jamais manquer d’eau, car ces canaux ne sont jamais fermés simultanément à l’époque des rotations. Plus heureux que ses voisins, le grand propriétaire peut donc toujours subvenir aux besoins d’arrosage les plus pressans.

Et pourtant les grands domaines disparaissent les uns après les autres, morcelés en menues parcelles que les fellahs se disputent à l’envi. Une bonne partie des sociétés égyptiennes par actions ont été fondées en vue de poursuivre ce genre d’opération dont le gouvernement lui-même donne l’exemple, et l’activité qu’elles mettent à réaliser leur objet, permet presque d’entrevoir le moment où un domaine de quelques centaines d’hectares sera une curiosité en Égypte. Heureuse transformation, mais qui, étant donné ce qui précède, complique singulièrement le problème de l’irrigation ! Le propriétaire d’une petite parcelle est incapable d’acheter une pompe ; le pourrait-il même, qu’on ne saurait l’autoriser à en user pour lui seul, car ce serait organiser le gaspillage du précieux liquide et en rendre l’évacuation presque impossible.

La disparition de la grande propriété va-t-elle donc être celle des procédés perfectionnés et le retour aux moyens primitifs d’arrosage ?

L’association et la coopération résoudront sans doute cette contradiction. C’est ce que les cultivateurs égyptiens ont déjà compris. Souvent plusieurs d’entre eux s’entendent pour acheter une pompe et pour l’exploiter en commun. Plus fréquemment encore, un riche propriétaire loue à ses voisins l’usage de sa pompe, ce qui lui confère sur eux un grand ascendant. Cet exemple a été suivi par des sociétés dont l’objet unique ou principal est la fourniture de l’eau d’arrosage, et le gouvernement se rend si bien compte de l’utilité de cette combinaison, qu’il permet à ces sociétés de faire servir à leurs distributions les canaux publics dont l’entretien est à sa charge. Il y a là comme une délégation faite par l’État égyptien d’un pouvoir qu’il exerce de