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en apportant de nouvelles richesses à l’agriculteur égyptien, lui a imposé, comme condition, de nouvelles et plus lourdes obligations. C’est lui qui doit élever, parfois jusqu’à cinq mètres de hauteur, l’eau du fleuve ou du canal à ses champs, après avoir disposé leur surface de manière à permettre au liquide de l’arroser tout entière et de s’écouler en temps voulu. Les instrumens en usage pour cela vont du simple seau de toile et de branchages jusqu’aux pompes les plus perfectionnées. A chaque pas, un chadouf ou une sakieh anime la monotonie plantureuse et plate de la plaine égyptienne. Le premier de ces appareils se compose de deux poteaux reliés par une traverse sur laquelle bascule une longue perche dont une extrémité retient par une corde un seau de cuir, tandis que l’autre, grossie d’une lourde motte durcie, sert de contrepoids et permet de relever le seau sans grand effort. La sakieh est une roue en bois, munie d’un chapelet de pots en terre et mue par un buffle, au moyen d’un système d’engrenage plus ou moins perfectionné. Il va sans dire que la moindre pompe donne un résultat infiniment supérieur et, partant, plus économique. D’après les calculs de l’administration des Domaines de l’Etat, l’arrosage d’un hectare de coton par ce dernier procédé lui, revient à 3 fr. 56. Sir W. Willcocks estime que cette opération, ainsi exécutée, coûte 5 francs au fellah, naturellement moins habile que les agens de cette administration, et surtout pourvu d’une pompe moins bonne. Enfin, en évaluant à 75 centimes la journée d’un ouvrier rural, l’arrosage de ce même hectare de coton représenterait, avec un chadouf, 35 francs et, avec une sakieh, 20 francs !

Ne serait-il pas possible de mettre les pompes à la portée des petits cultivateurs par une combinaison analogue à celle grâce à laquelle les plus pauvres fermiers français usent de batteuses ou d’alambics à vapeur ?

Une des raisons qui s’opposent à la réalisation de ce vœu est d’ordre administratif. L’établissement des chadoufs est libre, celui des sakiehs et autres roues mues par des animaux doit être autorisé par le moudir (préfet), celui d’une pompe ne peut être autorisé que par le ministère des Travaux publics, moyennant payement d’un droit fixe d’une livre, plus d’un droit d’une demi-livre par cheval-vapeur. Pour délivrer ces licences on tient compte de la superficie des terrains à irriguer, et c’est sur cette