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par exemple, de la fixation d’un salaire minimum. Avec Manning, le catholicisme anglais était devenu assez fort pour conférer avec l’industrie anglaise, c’est-à-dire avec la puissance qui depuis près de deux cents ans assurait à l’Angleterre une éclatante façade de prospérité ; et devant cette façade, Manning surgissait, porte-voix des pauvres[1].

Un publiciste d’outre-Manche, M. George Haw, entreprenait dernièrement une enquête, auprès des clergymen et des ouvriers anglais, sur la situation prise par les diverses Eglises protestantes d’Angleterre à l’endroit de la question ouvrière.

Des ecclésiastiques de haut rang, comme le doyen Kitchin, ne craignaient pas de reconnaître, devant l’interrogateur, ce qu’il y a de guindé, de trop protecteur, chez beaucoup de membres du clergé anglican, lents à comprendre que l’Angleterre est devenue une démocratie. « Dans l’Irlande catholique, expliquait un candidat ouvrier, M. George Lansbury, la religion est une chose plus réelle pour les pauvres qu’elle n’est en Angleterre. » Et la plupart des interlocuteurs de M. George Haw laissaient voir une sorte d’antipathie pour le formalisme et la « respectabilité » de l’Eglise officielle, un attrait assez vif pour le ritualisme, et le sentiment que des changemens profonds sont nécessaires pour que l’anglicanisme exerce une action sociale. « Si le mouvement High Church ralliait tous les évêques et tous les prêtres de paroisse, disait l’un des clergymen consultés, on unirait dans l’Eglise d’Angleterre, considérée comme partie de la Catholic Church, tout ce qu’il y a de vraie religion en Angleterre, et si, dans cette évolution, on perdait l’Eglise respectable et établie, alors Laus Deo ! » — « Les ouvriers, expliquait un autre, regardent l’Eglise anglicane comme un gros club conservateur, opposé aux droits du travail. S’ils subissent quelque action religieuse, c’est sous l’influence du prêtre du High Church, pleinement évangélique, avec de fortes tendances socialistes[2]. » Observez cette coïncidence, sur les mêmes lèvres, entre des professions de foi ritualistes et le souhait d’une action sociale sérieuse, profonde et sincère, et cette sorte de persuasion que

  1. Assurément rien n’a pu faire oublier aux lecteurs de la Revue les études de M. Francis de Pressensé sur le cardinal Manning ; et M. l’abbé Hemmer a donné, à la librairie Lethielleux, une biographie détaillée du cardinal.
  2. Haw, Christianity and working classes, pp. 167, 251, 255-56, Londres, Mac-millan, 1906.