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ridicule le gouvernement australien si le test était devenu une formalité de pratique journalière, requise de tous les voyageurs débarquant dans le pays. On le garda donc comme en réserve, pour les cas exceptionnels, c’est-à-dire ceux où on désirerait couvrir un abus de pouvoir des apparences de la légalité. Même à l’égard des hommes de couleur, on se dispensa souvent du test. Considérés d’emblée comme immigrans prohibés, on les arrêta et on les rendit au bâtiment qui les avait amenés, après avoir infligé une amende au capitaine pour avoir introduit une brebis galeuse sur le sol du Commonwealth. On agit de même à l’égard des simples déserteurs, le capitaine étant supposé complice de la désertion. L’autorité de la justice vint parfois tempérer cette ardeur autocratique. A la suite de vives et inutiles réclamations, les tribunaux, supérieurs furent saisis. Le 8 août 1902, la cour suprême de Sydney, sur appel de la Compagnie des Messageries maritimes, annula un jugement de la Water police Court condamnant le capitaine d’un paquebot de cette compagnie et ordonna la restitution de l’amende. Le motif de la cassation était que le déserteur, soi-disant immigrant prohibé, n’avait pas été invité à subir l’educational test.

La presse, tant à Londres qu’en Australie, fut à peu près unanime pour blâmer ces tracasseries ; mais, en ce qui concerne les gens de couleur, le but était atteint. Ils surent qu’on ne leur permettait pas d’aborder le territoire australien, et les compagnies de navigation le sachant également, refusèrent d’embarquer ceux qui voulaient en tenter l’aventure. Il n’y eut donc désormais que des passagers de race blanche sur les bâtimens se rendant en Australie.

En même temps, une loi spéciale, le Pacific Islands labourers Act, coordonnait le rapatriement, échelonné sur une période de cinq ans, des indigènes polynésiens qui travaillaient dans les plantations de cannes à sucre de Queensland. Cette industrie, alors florissante, a été presque ruinée dans les districts du nord de cet État où la main-d’œuvre blanche est incapable, en raison du climat, de remplacer le travail des Canaques[1].

Les partisans de la politique d’exclusion et de transportation

  1. En présence des vives réclamations des planteurs, et malgré l’octroi d’une forte prime à l’emploi des travailleurs de race blanche, il parait impossible d’appliquer intégralement la loi. En avril 1906, il restait encore 5 000 travailleurs indigènes en Queensland, c’est-à-dire plus de la moitié de l’effectif de 1901.