de musique pour voir Robert le Diable ; mais n’en déplaise aux enthousiastes de Meyerbeer, je pense que beaucoup de gens ne sont pas seulement attirés par le charme de la musique, mais bien par le sens politique du livret. Robert le Diable, fils d’un démon aussi réprouvé que Philippe-Egalité et d’une princesse aussi pieuse que la fille des Penthièvre, Robert le Diable est poussé au mal, à la révolution, par l’esprit de son père, et, par celui de sa mère, au bien, c’est-à-dire vers l’ancien régime. Ces deux natures innées se combattent dans son âme ; il flotte entre les deux principes ; il est juste milieu. C’est en vain que les voix de l’abîme infernal veulent l’entraîner dans le mouvement ; en vain qu’il est appelé par les esprits de la Convention, qui, nonnes révolutionnaires, sortent de leurs tombeaux ; en vain que Robespierre, sous la figure de Mlle Taglioni, lui donne l’accolade. Il résiste à toutes les attaques, à toutes les séductions. Il est protégé par l’amour d’une princesse des Deux-Siciles, qui est fort pieuse ; et lui aussi devient pieux ; et nous l’apercevons à la fin, dans le giron de l’Eglise, au milieu du bourdonnement des prêtres et des nuages d’encens. »
Pour « mil huit cent trente » que puisse être par certains côtés Robert le Diable, il ne l’est tout de même pas à ce point, et comme sous cet angle-là. Mais qui dira jamais à quel degré les Huguenots sont « quinze cent soixante-douze, » ou plutôt, — pour leur donner plus de jeu, — XVIe siècle, et XVIe siècle français, à demi protestans et catholiques à demi, Réforme et Renaissance à la fois. George Sand encore l’a dit, — au moins à moitié, — dans la lettre que nous citions plus haut. Sous les voûtes du temple de Genève, « à l’heure hardie et vaillante de midi, » elle a vu « debout cette statue d’airain, couverte de buffle, animée par le feu divin que le compositeur a fait descendre en elle… une des plus grandes figures dramatiques, une des plus belles personnifications de l’idée religieuse qui aient été produites par les arts de ce temps-là, le Marcel de Meyerbeer. » Et bientôt l’illustre « voyageur » ne la vit plus seule, cette figure héroïque. Derrière elle, avec elle, « la Réforme, cette forte idée sans emblèmes, sans voiles et sans mystérieux ornemens, m’apparut dans sa grandeur et dans sa nudité. Cette église sans tabernacle ni sanctuaire, ces vitraux blancs éclairés d’un brillant soleil, ces murs froids et lisses, tout cet aspect d’ordre qui semble établi d’hier dans une église catholique dévastée, théâtre refroidi d’une installation