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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/65

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que celle de régir les sources de la production ! L’État est et sera toujours la dupe de toute intervention dans les affaires de commerce ; il ne doit ni entraver, ni secourir le commerce ; il ne faut au commerce que la protection générale que l’Angleterre lui accorde. En 1830, le fameux prêt au commerce a été tout bonnement une vente, où le commerce a eu le gouvernement pour acheteur, à la risée de tous les gens qui ont suivi cette opération. C’est la dernière expérience ; l’Etat y entrait en protecteur. Aujourd’hui, il y accourt comme médecin. Eh bien, il est en train de tuer le malade. Les mesures, en apparence salutaires, comme celle de retarder les échéances, sont funestes. Les échéances se retardent d’elles-mêmes. Le dépôt des marchandises et la négociation du récépissé, ce Mont-de-piété du commerce, sera, ou une vente déguisée, ou le commerce, si peu qu’on lui prête, ne dégagera rien. L’essence et le fondement de tout commerce, c’est la liberté. La confiance, la méfiance ne se donne ni ne se ramène par des décrets. Décréter la confiance c’est, comme disait Hoche : « décréter la victoire. » C’est joli, mais c’est impossible. Réglementer le travail, c’est plus, c’est l’absurde de la tyrannie. La vie est un combat, la vie privée comme la vie sociale, comme la vie commerciale, comme la vie ouvrière, comme la vie agricole, comme la vie des nations entre elles. Décréterez-vous que les terrains secs produiront quand les terrains humides produisent, selon les caprices des saisons ? Aussi, de ce combat sort-on vainqueur ou vaincu, riche ou pauvre, oublié ou glorieux, heureux ou malheureux, selon ses forces ou son bonheur. Pourquoi faites-vous aujourd’hui une exception en faveur de l’ouvrier ? Vous ne regardez que les mains calleuses ; vous privilégiez donc une sueur entre toutes les autres ? Avez-vous donc pesé dans vos mains les malheurs de tous les citoyens ? Allez-vous répartir tous les actes de vaudeville sur toutes les têtes des vaudevillistes ? Donnerez-vous de l’ouvrage à tous les cerveaux ? Chaque acteur jouera-t-il tant de quarts d’heure par soirée ? Les négocians courbés, les larmes aux yeux, sur leurs carnets d’échéance, n’auront-ils que tant de minutes par jour à s’essuyer les yeux ? Le travail de toute une nation ne se scinde pas ! A chacun son lot, selon sa force. Ce travail embrasse toutes les productions. Eh quoi ! vous proclamez la liberté, au lieu de définir les libertés que chacun conservera, remise faite de son obéissance à la patrie, et vous êtes en