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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/66

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train de donner des lettres patentes à la médiocrité du travail, à sceller sous un cachet de plomb la spontanéité des efforts, sous prétexte que les patrons opprimaient leurs ouvriers. Ah ! nous admettons qu’il y a des limites en toutes choses, et en vous reprochant une théorie inapplicable, nous ne tomberons pas dans l’absurde de la pratique actuelle. Le prix des denrées alimentaires est la balance et la règle des salaires. Un État, où les bons et sages ouvriers en travaillant tant qu’ils veulent, tant qu’ils peuvent, ne trouvent pas l’aisance pour leur famille, cet État est mal ordonné. Mais alors la faute n’est plus aux patrons ; c’est le crime de l’État. La punition de cet État, c’est le drapeau noir des ouvriers de Lyon, portant écrits ces mots terribles, qui sont moins une accusation qu’une condamnation : Du travail ou la mort !

Les gouvernemens ont tort. Leur crime alors est une mauvaise répartition des impôts, une fautive assiette des taxes. Aussi, selon nous, est-ce là la plaie de la France, et là est aussi le remède, car la France, comme nous l’avons écrit ailleurs, quoique le pays le plus spirituel du monde, veut à la fois imposer beaucoup la terre, et avoir le pain à bon marché ! Nous serons les victimes de ce problème sans solution, si l’on n’y met ordre, et promptement ; mais, non par des mesures révolutionnaires : par un système bien étudié, logique et juste, qui saisisse la consommation et non la production

Ici, nous ferons observer que, depuis la catastrophe de Lyon, les ouvriers et les prolétaires ne sont pas [aus]si à plaindre en France qu’ailleurs. Le chiffre de leurs économies à la caisse d’épargne est de plus de deux cents millions, soustraction faite des livrets bourgeois, qui sont de cent cinquante millions. Les ouvriers, de la plupart des corps d’état à Paris, ont une caisse commune, une caisse qui leur permet de faire leurs grèves, de régenter les patrons, et de dominer la spéculation.

Aujourd’hui, la question de l’organisation du travail, en démontant la machine commerciale, met en péril les ouvriers. Aussi, les orateurs du système en sont-ils arrivés à demander aux ouvriers le dévouement du soldat sur le champ de bataille. Mais comment peut-on oublier que le soldat n’a, sur le champ de bataille, à s’inquiéter ni de sa famille, ni de son pain, ni de son vêtement, ni de ses outils de guerre, que le général en chef, la France, ou le sol ennemi, lui fournissent tout. On a toujours