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précédemment d’ « opéra récitatif » et d’ « opéra mélodique. » L’ « opéra symphonique » fera quelque jour l’objet de notre dernière étude. On pourrait qualifier d’éclectique, ou de composite, le grand opéra français, et même, pour en définir la nature musicale ou spécifique, — j’entends celle-là seulement, — ce serait peut-être le terme le meilleur.


VI

« Les vieilles formes s’usent. L’opéra en cinq actes n’est plus possible. » Ainsi parlait déjà Meyerbeer à Blaze de Bury. Et Richard Wagner, adorant encore ce qu’un jour il devait brûler, avait écrit cet éloge funèbre de l’opéra meyerbeerien : « En ce sens, on ne peut rien concevoir de plus élevé. Nous comprenons que le point culminant, dans toute l’acception du mot, a été atteint, et de même que le plus grand génie éclaterait, s’il voulait, dans l’ordre d’idées de Beethoven, non pas même enchérir sur sa dernière symphonie, mais seulement essayer de partir de là pour aller plus loin, de même il paraît impossible que, dans cet ordre d’idées où Meyerbeer a touché la limite extrême, on veuille encore s’avancer au-delà.

« Il nous faut nous arrêter à l’opinion que cette dernière époque de la musique dramatique s’est fermée avec Meyerbeer, et qu’après lui, comme après Haendel, Gluck, Mozart et Beethoven, l’idéal pour cette période doit être considéré comme atteint et impossible à dépasser ; mais aussi que, dans sa puissance infatigable de création, le temps apportera une nouvelle direction qui permettra de faire ce que ces héros ont fait[1]. »

Le temps, on le sait, n’a pas été sourd à l’appel de Wagner, infidèle à son espérance. Wagner, accomplissant lui-même sa prophétie, le Wagner d’après Rienzi, le Wagner du Vaisseau Fantôme, de Tannhäuser et de Lohengrin, devait donner la « nouvelle direction, » tracer le futur chemin et le suivre ensuite jusqu’au bout. L’ancienne voie, celle que nous venons de parcourir, est aujourd’hui presque déserte ; elle garde pour seule parure la magnificence de ses ruines et de ses tombeaux. Aucun de ceux qui, depuis un demi-siècle peut-être, y passèrent, ne semble y avoir élevé de monument immortel. Avant même de subir

  1. Traduit par MM. Soubies et Malherbe dans un article sur Wagner et Meyerbeer (Mélanges sur Wagner).