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d’une leçon académique, mais d’une leçon de choses faites en action. Au 1er janvier 1903, il y avait en Italie 60 chaires ambulantes ; la première date de 1890.

Un trait particulier de l’économie publique italienne, c’est l’autonomie de la Caisse d’épargne. Qu’il s’agisse de la grande Caisse d’épargne de Milan, qui, en 1895, avait 526 882 358 lires de dépôt, et une réserve de 63 788 364 lires, ou des petites sociétés agricoles, toutes restent entre les mains d’administrations privées. Au lieu d’alimenter la dette flottante, les grands travaux de l’Etat, leurs capitaux demeurent là où ils ont été produits, fécondant de nouveau le travail d’où ils sortent, remplissant en même temps l’office de canaux de drainage et d’irrigation. L’État n’a pas, comme en France, la gestion des fonds ni la responsabilité ; un ministère à bout de ressources n’y saurait puiser à pleines mains pour dissimuler ses gaspillages et retarder des emprunts inévitables. Que l’épargne, qui est de la production capitalisée, revienne à la production pour la féconder, que le capital garde le souvenir de son origine et la tendance à y retourner, voilà l’idéal poursuivi par M. Luzzatti et ses dévoués collaborateurs MM. Cavalieri, Schiratti, Pepoli, Isolani, V. Sani, Vivante, Maffi, Guerci, etc. Et cet idéal, ils l’ont réalisé avec une ténacité merveilleuse, inaccessibles au découragement, inventant sur-le-champ la formule, le moyen le plus propre à la contrée où ils opéraient, faisant des prosélytes parmi les hommes les plus routiniers du monde, recommençant vingt fois, cent fois la démonstration, insensibles aux critiques, aux calomnies qui assaillent toujours les bienfaiteurs de l’humanité. Décentraliser le crédit, liquider sans hésitation les pertes, interdire les affaires aux administrateurs et aux employés, renforcer les réserves, limiter les dividendes, marcher pas à pas, avec une sévère prudence, tel est le mot d’ordre. Y a-t-il un meilleur procédé, pour enlever des recrues au socialisme, que de prouver aux pauvres gens qu’ils ont intérêt au maintien de la société, de montrer que leur travail est un capital dont ils peuvent être fiers, que la propriété, ce terme magique, est aussi à leur portée ? Grâce aux fondateurs du crédit agricole, seuls les paresseux, les envieux, les fous, les malhonnêtes gens ont encore intérêt à grossir les rangs du parti communiste.

On a défini la Caisse d’épargne de Milan : un grand banquier privé qui fait toutes les affaires de banque, prête sur