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les deux caisses n’en font qu’une. La Caisse d’épargne reçoit et prête ; on peut la comparer à un fleuve qui sur sa route se grossit de nombreux affluens et, par des canaux adroitement aménagés, va porter au loin l’eau, la force motrice aux pays déshérités.

Au 1er janvier 1884, on comptait 223 caisses d’épargne ordinaires avec 172 succursales, et 4 679 bureaux de poste faisant l’onction de caisses d’épargne ; en 1897, la fortune personnelle des 233 caisses libres s’élevait à 166 370 516 lires, leurs dépôts à 1 346 230 lires, les dépôts des caisses postales à 500 millions.

D’aucuns reprochent au crédit populaire d’être assez cher et inégal : il varie de 5 à 8 pour 100 dans les prêts, de 4 1/2 à 9 pour 100 dans les escomptes. Tel qu’il existe, il constitue un immense bienfait : à côté de taux d’usure qui s’élevaient à 100, même à 150 pour 100, les cultivateurs ont béni ceux qui leur apportaient de l’argent à 6 ou 7 pour 100, ils le considèrent comme une manne providentielle. « Je crois être en paradis, disait un nouveau client des banques rurales, lorsque je compare ce que je paie maintenant à ce que je donnais autrefois aux usuriers. »

À côté des banques populaires Luzzatti, conçues sur le modèle des banques Schultze-Delitsch, un autre savant doublé d’un homme de bien, le professeur Léon Wollenborg, a fondé les caisses rurales de prêt d’après le type Raiffeisen. « Combattre l’usure, raviver l’industrie languissante des petits cultivateurs, leur assurer l’appui du capital, voilà mon but, » écrit M. Wollenborg. Les prêts vont de 25 à 600 lires et, comme pour les banques populaires, n’entraînent que des pertes insignifiantes : ils ont en général pour objet l’achat d’une paire de bœufs, d’une vache, d’un cheval, de brebis, parfois de fourrages ou d’instrumens aratoires ; en Piémont, ils permettent une culture intensive de la vigne ; ailleurs, ils facilitent l’élevage des vers à soie. Tel associé qui a acheté une vache a pu, avec la vente du lait et du fromage, payer sa dette à la Société et conserver le veau de la bête, résultat qu’il n’aurait jamais obtenu sans ce concours.

Ici comme ailleurs, l’initiative, la persévérance ont fait des prodiges : Wollenborg dut lutter longtemps pour vaincre l’inertie rurale ; rassurer ses concitoyens sur les conséquences de la solidarité, « ce fantôme effrayant qui, comme tous les fantômes, se réduit à rien dès qu’on se donne la peine de le regarder