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citer ces réflexions d’un homme pratique : « L’organisation d’une caisse, très compliquée en apparence, est d’une simplicité et d’une facilité enfantines. Dès les premiers pourparlers, on se heurte partout à cette invariable réponse : Il n’y a dans notre commune que deux catégories de paysans, les riches qui n’emprunteraient jamais, et les besogneux qui ne rendraient pas l’argent emprunté. Si l’on a la ferme volonté de réussir, on passe outre, et, à peine la Caisse est-elle formée que, des deux catégories, s’en dégage une troisième, qui absorbe les deux premières, à quelques unités près ; l’on est alors étonné de constater que les plus fortunés trouvent profitable et commode d’user du crédit agricole, et, qu’en examinant de près la situation et la valeur morale des besogneux, les insolvables y sont plus rares qu’on ne croyait d’abord. D’ailleurs, l’expérience permet d’affirmer aujourd’hui qu’il n’existe pas, dans une commune, plus de trois ou quatre agriculteurs ne méritant pas d’être accueillis au crédit agricole… et que ce n’est pas toujours parmi les modestes que sont ces suspects. Chaque jour nous amène de nouvelles créations de Caisses, et les nouveaux venus sont unanimes dans leurs regrets qu’on ne leur ait pas fait connaître plus tôt le moyen de se procurer une avance si utile à un taux aussi bas. »

Il reste beaucoup à faire, mais les véritables amis, les amis agissans de l’agriculture ont sujet de s’enorgueillir du présent. Aujourd’hui, le crédit agricole rayonne sur 68 départemens ; des caisses régionales ne tarderont pas à s’établir là où elles manquent encore ; le chef du service du crédit agricole au Ministère s’y emploie de son côté avec une activité fort intelligente. Sur les 69 millions venant de la Banque de France, les avances faites aux caisses régionales atteignaient à la fin de 1904 le chiffre de 14 200 000 francs ; de 1901 à 1903, le nombre des caisses locales s’élève de 300 à 616, les prêts consentis aux agriculteurs à 42 millions. Le comte de Vogué, dans son rapport au Congrès d’Arras en 1904, affirme qu’il y a environ 1 200 caisses locales, mais beaucoup, qui ne sont pas affiliées aux Caisses régionales, n’entrent point dans la statistique ministérielle. Les administrateurs des caisses régionales consentent les avances aux caisses locales affiliées, à un taux qui varie de 1 à 4 p. 100 ; même variation dans le taux de l’escompte. Grâce au dévouement de tant d’hommes de bien qui vont au peuple pour le servir et non pour être servis par lui, les frais généraux sont réduits au