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rencontrera sur sa route la grande chimère des philologues : Nomina, numina, les Dieux ne sont que des calembours objectivés, et les Olympes ou les Walhallas ne sont peuplés que de méprises verbales. C’est ce que nous avons tous cru, fermement, pendant près de cinquante ans, et je ne répondrais pas que nous fussions tous détrompés. Et si alors, quand il approchera de la fin de son livre, M. Martino est obligé de constater que, depuis quelques années, la faveur publique semble se retirer des études orientales, je ne sais s’il en trouvera de bonnes et valables raisons, mais, en tout cas, cette constatation même sera la conclusion naturelle d’un sujet qu’il a un peu arbitrairement coupé par le milieu.

Si nous y revenons en terminant, c’est que cette critique, en somme, est la seule qu’il y ait lieu d’adresser au livre de M. Martino. Car, pour quelques erreurs qui sans doute viennent de ce que le livre a été plus rapidement écrit qu’il n’avait été préparé, nous ne les signalerions même pas, si M. Martino lui-même n’avait fait un Errata pour en redresser de plus insignifiantes. Il fera donc attention de ne parler, dans une prochaine édition de son livre, ni de « l’Empereur Frédéric, » — c’est Frédéric le Grand ; — ni de la Vie de Diderot écrite « par sa sœur, » — c’est sa fille, Mme de Vandeul, qu’il a voulu dire ; — ni de l’édition des Œuvres de Voltaire « donnée à Kiel, » que je ne crois pas au moins qu’il confonde avec Kehl…

D’autres erreurs, — si ce sont des erreurs, — sont plus graves, et par exemple, quand il croit voir dans la « théorie des climats, » de Montesquieu, une trace et une preuve de ses lectures sur l’Orient. La « théorie des climats » est vieille comme Hippocrate ! Elle a d’ailleurs été développée par Bodin, au XVIe siècle, dans sa République, et surtout au livre V de son Introduction à l’étude de l’histoire. Plus près de Montesquieu, l’abbé Dubos, dans ses Réflexions sur la Poésie, en a tiré d’ingénieuses applications à l’histoire de la littérature et des arts. Et puis, — c’est une de ces questions qu’on est soi-même étonné de se poser si tard, — j’aimerais bien savoir quel parti Montesquieu a donc tiré, dans son Esprit des Lois, ou quelle application il a faite, de cette fameuse « théorie des climats. » Je voudrais que l’on me citât sur la même matière, — telle que la condition des personnes, ou le régime de la propriété, — des lois qui fussent l’une à l’autre, pour ainsi parler, comme le Nord est au Midi. Je voudrais que l’on me montrât,