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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/801

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chrétien. Il l’envoya d’abord à ses conseillers ; je ne sais ce qu’ils auront terminé là-dessus. » Des années de silence suivirent cette communication.

En 1667, on devine que l’affaire n’avance pas en voyant Charles-Louis placer sous une étiquette protestante une fondation imitée de l’Eglise catholique, et qu’il aurait été plus simple de ne pas déguiser. Par parenthèse, il s’agissait cette fois très positivement, et ouvertement, d’avantager les filles de Louise de Degenfeld. Près de Heidelberg se trouvaient les ruines d’un couvent de demoiselles nobles, fondé au moyen âge par un Hohenstaufen. Charles-Louis s’en fit le restaurateur, dans le dessein d’assurer des retraites honorables à ses filles naturelles, mais sa façon de procéder se ressentit du gâchis général des idées. Il peupla le nouveau couvent de calvinistes, et lui donna une règle empruntée à un ordre catholique et comprenant, entre autres, « un vœu de célibat[1]. » C’était un assortiment absurde. Il y avait disconvenance entre la règle et le personnel. Le vœu de célibat parut inadmissible à des protestantes ; il fallut le supprimer. Il en fut de même de la défense de laisser entrer des hommes. Puis ce fut autre chose, et, finalement, le couvent disparut à une époque de troubles et de catastrophes.

Nous retrouverons sur notre chemin le projet de réunion des deux Églises. Pour l’instant, des événemens d’un autre genre nous appellent au château de Heidelberg. La situation y avait changé de face alors qu’on n’y comptait presque plus. Au printemps de 1663, l’Électrice Charlotte, à bout de courage, s’était décidée à retourner dans son pays, et Charles-Louis en avait profité pour faire revenir Liselotte. Il y avait déjà deux ans qu’il souhaitait de la reprendre. La cour de Hanovre ne lui disait décidément rien qui vaille pour « la gravité » et le décorum, et sa sœur, lorsqu’il lui en parlait, reconnaissait humblement son impuissance à rivaliser avec la cour de Heidelberg, modèle d’ordre et de régularité en comparaison de ce qu’elle avait sous les yeux. Un jour qu’elle lui disait les regrets que lui laisserait sa nièce, la duchesse Sophie ajouta : « Je ne pourrai m’empêcher d’y être bien sensible, quoique je confesse que je crois qu’elle pourra être bien mieux nourrie dans une cour bien réglée comme la vôtre, qu’en celle-ci, où l’on vit en bourgeois et

  1. Cf. Hausser, Geschichte der Rheinischen Pfatz, II, 616 et suite.