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France si nous voulons seulement nous en donner la peine. » Il est curieux d’enregistrer ces jugemens, ou ceux que, sur le même ton d’éloges, a publiés la presse anglaise : ils sont flatteurs pour notre amour-propre national ; mais, si on les met en parallèle avec le silence des journaux français, ils sont de nature à nous faire appréhender que, plus peut-être que la France elle-même, le commerce et l’expansion étrangères ne profitent des leçons que Marseille offre au monde.


II

Il appartenait à Marseille, notre premier port colonial, de prendre l’initiative d’une Exposition coloniale. Ici, on se sent tout près de ces pays qui, à Paris, nous paraissent si lointains ; Marseille est vraiment la porte de l’Orient ; en présence de ces grands paquebots qui partent pour les pays d’outre-mer, ou qui en arrivent, tout chargés des produits exotiques, on a l’impression très vive de la présence prochaine, par de la quelques jours de navigation, de ces terres où l’activité européenne s’est développée si prodigieusement ; mais, plus encore que sa position géographique, c’est son histoire et c’est l’évolution de sa vie économique qui invitaient Marseille à préparer cette grande manifestation de l’énergie de la France au dehors.

Toute l’histoire de Marseille est une histoire coloniale. Colonie, elle-même, des Phocéens, c’est elle, à son tour, qui, avant Jules César, colonise et civilise la Gaule. Au milieu du monde romain, elle reste grecque par la langue, par les mœurs et par les traditions. Au moyen âge, ses marchands sillonnent hardiment la Méditerranée ; dès le temps des croisades, les Marseillais trafiquent dans le Levant et tout le long des côtes musulmanes ; ils commencent, avec les pays barbaresques, ces relations d’échanges dont le développement a fini par provoquer l’intervention de 1830 : c’est surtout à l’initiative des Marseillais que la France doit d’avoir été amenée à conquérir l’Algérie et à protéger la Tunisie ; c’est grâce à eux encore qu’elle est de beaucoup au premier rang pour le commerce avec le Maroc. Le XIXe siècle a recueilli les fruits du patient et obscur labeur des négocians marseillais. Dans les Echelles du Levant, ils ont fondé peu à peu la prépondérance française, courant toute la Méditerranée et jusqu’au fond de la Mer-Noire, comme leurs ancêtres