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1789 et 1793 : Marseille est ruinée, Toulon livré aux Anglais, la flotte détruite ; d’Orvilliers émigré meurt de misère, d’Estaing et Kersaint sont guillotinés, Kerguelen emprisonné ; toute l’œuvre coloniale, si laborieusement créée, achève de s’écrouler.

Au XIXe siècle, les négocians marseillais sont à la tête du grand mouvement qui fonde le nouvel empire colonial français. Fortuné Albrand, dès 1815, attire l’attention de ses compatriotes sur Madagascar où, beaucoup plus tard, les agens de la maison Roux de Fraissinet et, parmi eux, Alfred Rabaud, allaient ouvrir la voie à l’intervention française. Sur la côte occidentale d’Afrique, les Marseillais créent des comptoirs où ils vont chercher l’huile de palme et les arachides que consomme leur industrie du savon ; c’est à l’initiative de la maison Victor Régis que la France doit d’avoir été amenée à s’établir au Dahomey : longtemps avant la prise de possession, les factoreries y avaient fait flotter le pavillon tricolore. A Obock et à Djibouti, l’esprit entreprenant des Marseillais devance de très loin l’occupation officielle, et il n’a pas tenu à eux que, depuis longtemps, la France se soit installée à Cheik-Saïd ; en Abyssinie, des Marseillais, les premiers, nouent des relations d’amitié et de commerce avec le négus ; à Zanzibar, Alfred Rabaud devient l’homme de confiance du sultan. Ainsi, partout, le négociant a précédé le soldat et l’administrateur ; l’action du gouvernement n’est venue que plus tard, souvent trop tard ; elle a été, en général, lente à émouvoir, parfois maladroite, et elle a souvent laissé perdre, par ignorance ou pusillanimité le fruit des longs et patiens efforts des négocians français. En Algérie, après la conquête, les Marseillais, les premiers, ont eu l’audace de tenter des expériences de colonisation : c’est la « période héroïque » où le pire danger n’est pas dans les incursions des Arabes, mais dans le mauvais vouloir des gouverneurs. Si, au Sénégal, les Bordelais ont presque complètement supplanté les Marseillais, la Compagnie française de l’Afrique occidentale en Guinée et les maisons Mante frères et Borelli, et Cyprien Fabre au Dahomey font presque tout le commerce. Madagascar est une des colonies préférées des Marseillais ; plusieurs compagnies et de nombreux particuliers y font de l’agriculture, de l’industrie, du commerce ; en revanche, ils ont peu d’intérêts au Congo où l’activité marseillaise n’est guère représentée que par M. Fondère et la Compagnie des Messageries fluviales du