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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/833

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des danses du ventre qui, dans les ksour d’Algérie, allument une flamme de convoitise dans les yeux noirs du nomade. Voici la chanson de Sao-Si : c’est l’éternelle élégie d’amour, le tendre appel de la bien-aimée qui soupire en attendant la venue du bien-aimé et qui conte aux étoiles sa mélancolie :


Grand astre de la nuit, dis-moi pourquoi les étoiles brillent si fort ce soir, alors que mon cœur est plein de tristesse ? Pourquoi ?

Mon bien-aimé n’est pas là, dis-tu ! Va donc lui dire que je pense à lui et prie-le de venir jusqu’à moi.

Seule, je suis triste et je me lamente. J’ai devant mes yeux le doux éclat de son regard et les traits gracieux de son visage que j’aime.

S’il ne peut me donner sa soirée, qu’il vienne une seconde, que je le voie durant un court instant, et la joie remplacera la tristesse de mon âme.

Je suis orpheline sur cette terre ; je ne trouve pas de quoi pourvoir à mes besoins et je cherche un cœur généreux qui veuille soulager ma misère.

O jeune homme ! resteras-tu indifférent ?

Je suis ici comme un exilé sur le bord d’un fleuve.

Je voudrais être joyeuse comme les autres filles du village. Viens donc, ô jeune homme, prendre mon cœur et toute mon âme pour la mêler avec ton âme.


Le thème est vieux comme le monde, mais combien, ici, l’expression en est vibrante et poétique ! Voici encore, — pour nous reposer des statistiques, — une petite fable dialoguée que les trois Laotiennes miment et récitent avec des intonations de psalmodie, des gestes menus et expressifs :


LE CHŒUR. — En ce temps-là, il y a bien longtemps, Nang Méo vint dans une maison habitée.

THAO SAMON. — Que venez-vous faire ici, ma chère Nang Méo ?

NANG MEO. — Je suis venue chez vous pour demander l’aumône d’un peu de poisson. Je n’en ai point et j’ai faim.

THAO SAMON. — Est-il vrai ?

NANG MEO. — C’est ainsi.

THAO SAMON, s’adressant à SOULINGSA. — Eh bien, Soulingsa ; allez donc quérir des gens du voisinage pour qu’ils enlèvent cette importune.

NANG MEO. — Ma chère mère, vous n’avez donc pas pitié de moi ? Vous voulez me faire mal alors que je viens seulement vous demander un peu de poisson.

SOULINGSA. — Si tu ne veux pas sortir de bonne volonté, l’on t’expulsera de force. L’autre jour, tu as volé des poissons à mon père.

NANG MEO. — C’est votre dernier mot ? S’il en est ainsi, je m’en vais.

SOULINGSA. — C’est notre dernier mot.

LE CHŒUR. — En ce temps-là, il y a bien longtemps, Nang Méo vint dans une maison habitée.


C’est la Cigale et la Fourmi !