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constante, au sommet comme à la base, de lits marneux faciles à caractériser. Or, quand on arrive à la région de la rue Ménilmontant, et jusqu’à la place de la Nation, on constate que la quatrième de ces masses, la plus profonde, c’est-à-dire la plus ancienne, n’est représentée par aucun vestige : les marnes qui devraient l’encadrer sont en contact mutuel, et sa place qui n’est occupée par rien est, au propre, une « lacune » selon la langue des géologues. Pour eux, la constatation des lacunes est des plus instructives parce qu’elle révèle des circonstances successives dont s’est accompagnée l’évolution de la région où on les rencontre.

Sous le boulevard Barbes, les coupes du sol nous montrent qu’à l’époque du gypse, la localité était pourvue de caractères fort analogues à ceux que l’on observe à l’heure actuelle sur les points du littoral où se constituent des marais salans : qu’on s’imagine les entours de la Chapelle avec la physionomie du Bourg de Batz. On sait que les lagunes où l’on recueille le sel parce que l’eau de mer s’y est évaporée, tapissent leur fond de vases argileuses dans lesquelles du gypse cristallise en abondance. Et si, à Paris, le sel ne figure pas parmi les élémens du sol, c’est qu’il en a été extrait postérieurement, par le fait de la circulation des eaux. La preuve c’est qu’on retrouve, dans certaines argiles du terrain de gypse, des moulages ou des empreintes de cristaux de sel, bien reconnaissables à leur disposition spéciale dite en trémies.

Ainsi donc, voilà qui est acquis : de larges surfaces, comprises maintenant dans les limites de Paris, étaient situées, à l’époque de l’éocène supérieur, sur le littoral, souvent submergé, d’une mer très peu profonde, qui venait y déposer par évaporation une portion de ses matériaux dissous, gypse et sel gemme. Les coupes enseignent que les rapports de la nier et de la terre ferme étaient fort changeans d’un moment à l’autre, car les dépôts de pierre à plâtre, plus ou moins épais et mesurant parfois 10 mètres et plus de puissance (ce sont les « masses »), sont séparés les uns des autres par des intercalations de marnes. Lors du dépôt de celles-ci, le sol, qui recevait un sédiment argileux, n’était jamais exondé et les sels en dissolution ne s’y concrétionnaient pas. Il résulte en même temps de la grande épaisseur des gypses accumulés que les conditions de voisinage de la mer ont duré fort longtemps.