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et des services rendus par ces religieux, leur dévouement aux victimes de la tyrannie barbaresque. Nous nous bornerons à le compléter, au moyen des documens trouvés par nous aux archives des Affaires étrangères et d’un ouvrage récent[1].

Quant aux Pères de la Mercy, l’ordre ayant pris une plus grande extension en Espagne, leur supérieur résidait à Huete (Castille), mais ils avaient à Paris un vicaire général, qui dirigeait les affaires de la rédemption des captifs français. Ce vicaire, en 1690, était le R. P. Jacques Moissant, qui traitait directement avec le ministre de la Marine. Louis XIII, qui les avait en particulière estime, les avait chargés par un arrêt du Conseil du rachat des captifs au Maroc, et avait ordonné aux évêques de lever des aumônes dans tout le royaume au profit de l’œuvre.

Une fâcheuse rivalité, allant jusqu’à la jalousie, s’éleva bientôt entre ces deux ordres, animés des mêmes intentions, mais qui s’étaient malheureusement imbus des passions et des préjugés des deux nations chez lesquelles ils se recrutaient. Charles-Quint avait déjà dû intervenir comme arbitre et conclure entre eux une sorte de traité de paix (1527). Le grand Conseil du roi de France, à son tour, rendit, le 6 août 1638, un arrêt, qui ordonnait que la France fût partagée entre les deux ordres rédempteurs pour les quêtes. On tira au sort les provinces où chaque ordre collecterait. Les Mercédaires obtinrent la Bretagne, la Guyenne, le Languedoc et la Provence. Aux Trinitaires échurent l’Ile-de-France, l’Orléanais, la Normandie, la Picardie, la Champagne et la Bourgogne. Paris, la capitale, restait indivis.

A la fin du XVIIe siècle, le général des Trinitaires résidait à Fontainebleau ; l’ordre ne comptait pas moins de cent cinquante maisons en France et avait été autorisé à faire des quêtes dans tous les diocèses, pour l’objet en question. Ils étaient secondés dans cette tâche à Marseille par les Pénitens blancs, chargés des opérations de change des monnaies, car les maîtres d’esclaves, en Algérie, ne recevaient en paiement que les piastres mexicaines ou sévillanes. C’était également le bureau des Trinitaires, à Marseille, qui assurait le passage des agens rédempteurs et nolisait un navire pour ramener les captifs libérés. Il paraît que l’abondance même de leurs ressources avait

  1. P. Deslandres, l’Ordre des Trinitaires pour le rachat des captifs. Paris, 1903, 2 vol.